The Last of Us Part II : comment éveiller les visages ?

C’est bel et bien les premier mots que je glisse ici après un voyage marquant dans les terres de The Last of Us Part II, jeu tant attendu, par nombre d’entre nous ! Je ne sais pas si vous êtes allé au bout de l’aventure, mais même sans cela, je pense qu’il ne vous a pas fallu longtemps pour saisir le réalisme du jeu : des environnements aux visages, le dernier-né du studio Naughty Dog excelle lorsqu’il s’agit de retranscrire avec justesse l’émotion d’un personnage, l’ambiance d’une scène.

SPOILER ALERT : je vais citer certains moments, incluant une scène décisive, donc finissez le jeu (si ce n’est pas encore fait) et revenez vite !


Vous non plus, vous ne savez toujours pas quoi penser de cette résolution ? Quoiqu’il en soit, la confrontation Abby v Ellie sur cette maudite plage n’a sans doute pas pu vous laisser indifférent… Personnellement, j’ai encore la lourdeur, la lassitude, l’épuisement de nos deux gueules cassées à l’esprit. Et c’est sans doute un peu grâce au travail de l’animateur Keith Paciello, à l’oeuvre notamment sur l’incroyable technologie faciale de ce The Last of Us Part II, dont la parole a été recueillie directement dans les colonnes du PlayStation Blog. Voici donc, rien que pour vous, un condensé des propos du monsieur…

Le réalisme se cache dans l’invisible

J’aime bien mon intertitre car il retranscrit à merveille l’importance des détails du quotidien. Ceux auxquels on ne semble pas (ou peu) prêter attention mais qui changent tout, ou presque, lorsqu’on les remarque. Une des parties du job de Paciello était justement de veiller au soin de chaque « parcelle » du visage d’Ellie. Et ce, même lorsqu’elle ne fait qu’observer un objet au coin d’une pièce.

« le joueur bouge le joystick de façon à ce qu’Ellie regarde le tableau, ce qui déclenche la réaction ‘regarder la cible’ qu’un concepteur a placée là. En plus de ça, j’ai animé des petites saccades dans les yeux du personnage quand il n’est pas occupé pour donner l’impression qu’il réfléchit. Quand on superpose les saccades oculaires au regard focalisé sur un point précis, on obtient une expression de concentration et l’illusion de la réflexion. »

Bien évidemment, ce n’est pas si simple. Ajoutez à l’explication de Keith les nombreuses autres personnes et équipes ayant travaillé de longues heures.  Que ce soit sur les yeux, la respiration ou la posture de notre belle Ellie. Vous commencez peut-être à entrevoir l’équation qu’on qualifiera sans mal de mathématique, tant elle nécessite d’éléments et de finesse pour les assembler, afin de parvenir à créer l’illusion d’une émotion adéquate. Ici, il fallait évoquer l’interrogation, la réflexion face au tableau. Réussi, non ?

Une question amène un progrès

Lors de son échange visio avec Gillen McAllister de SIE, qui a ensuite rapporté la conversation sur le PS Blog, Keith Paciello explique comment les équipes en sont arrivées à révolutionner la technologie faciale présente dans cette suite. Disons que chaque « imperfection » n’est qu’un appel au mieux, à défaut de pouvoir toucher la perfection… Jugez-en plutôt !

« On regardait un brin d’herbe et on se demandait comment on pouvait l’améliorer. Se faisant, on a regardé une vue d’ensemble, et il y avait cette expression vide sur le visage des personnages. Ça a été le moment déclencheur. Je me suis demandé comment faire pour ajouter des petits marqueurs émotionnels aux personnages dans tout le jeu, de façon à ce qu’à tout moment, les joueurs puissent voir ce que ressentent les personnages. »

Lev et Abby - The Last of Us 2

Avec tels discours, on en arrive vite à des prouesses techniques, qui ne peuvent que servir le récit dans le bon sens…mais en accélérant la culture du crunch, toujours fatalement présente dans une industrie créative sans limite.

Néanmoins, Keith a pris la question à bras-le-corps, et a commencé par sculpter sept visages/expressions faciales. Répondant évidemment aux sept grandes émotions humaines : la joie, la tristesse, la peur, la colère, la surprise, le dégoût et le mépris. Tout en restant « in touch » avec l’équipe en charge des dialogues du jeu, nos artistes ont pu anéantir cette désagréable (mais habituelle dans le milieu) sensation de cassure entre les cinématiques et les phases de gameplay. Ici, tout est « seamless », pour faire plaisir à nos anglophiles. C’est aussi ce qui fait la grandeur de la mise en scène : l’impression de vivre une seule et même aventure et de ne jamais pouvoir poser la manette, y-compris lorsqu’on observe plus que l’on ne joue !

De chiffres en accomplissements : un bon sous-titre pour The Last of Us Part II

En vrac, voici quelques infos qui suffisent à expliquer le niveau d’immersion offert par le jeu :

  • il faut savoir qu’en dehors du script, « les personnages ont chacun plusieurs expressions « neutres » avec une touche d’émotion »
  • 20 états émotionnels différents pour les 25 personnages clés qui apparaissent à l’écran (incluant certains infectés, c’est dire !)
  • 15 000 poses reflétant les émotions de chaque personnage
  • six animations de respiration, allant du stade « calme » au fameux « souffle court »
    • et en fonction de notre proximité avec un ou plusieurs ennemi.e.s, la bouche d’Ellie s’ouvre/se ferme

Metacritic The Last of Us 2

Peaufiner : l’apanage des dogs

Remémorez-vous ce sombre instant… Ellie, près de la tombe de Joel : dévastée. Keith a été jusqu’à en toucher un mot à l’équipe en charge des personnages afin qu’ils réalisent des textures spécifiques, « donnant l’impression qu’elle venait de pleurer ». Le résultat, vous le connaissez, mais voici une piqûre de rappel. Assez renversant !

Evidemment, la scène du cimetière n’est pas la seule à avoir bénéficié d’une attention plus que particulière. Non non non, ce serait oublier le flash-back où Ellie découvre avec surprise et joie le tyrannosaure. Puis ce serait d’autant plus embêtant de partir sans citer le travail d’orfèvre apporté au chapitre de Santa Barbara, où Ellie et Abby sont méconnaissables.

« Même avant l’ajout du sang, quand j’ai enregistré le combat, je me souviens m’être dit que je n’avais pas envie de la frapper. J’ai montré le résultat à Neil [Druckmann] et il m’a dit de continuer sur cette voie. Il paraît qu’un des testeurs du jeu a jeté sa manette par terre, de rage, en disant qu’il n’en pouvait plus. Pour moi, c’est une réussite. »

Si c’est une réussite pour notre animateur riche de 17 ans d’expériences (dont neuf chez les chiens californiens), ainsi que pour tonton Neil, cela l’est aussi pour moi. Et pour vous, j’imagine ?

D’ailleurs, avant de débrancher sa webcam, Keith Paciello a donné les scènes lors desquelles son nouveau système facial « brille le plus ». Ce seraient celles-ci, au choix, ce qui vous laisse de quoi contempler :

  • Dina et Ellie qui discutent à cheval, ou Lev et Abby
  • Yara qui parle de Lev dans l’aquarium
  • la lutte finale sur la plage (forcément..!)

 

Sur ces belles paroles, je vous dis à la prochaine les ami.e.s, prenez soin de vos belles gueules !