Halley Gross revient sur son expérience à Naughty Dog sur The Last of Us Part II
Alors que Neil Druckmann était aux commandes de l’histoire pour le premier The Last of Us, il choisit plutôt de co-scénariser le second volet. Halley Gross devient la deuxième plume de The Last of Us Part II. Reçue en août au micro de Kenneth Shepard pour le podcast Thanks for the Knowledge with John Warren, elle revient sur sa première expérience de scénariste pour un jeu vidéo.
Plus d’un an après la sortie des nouvelles aventures post-apocalyptiques made in Naughty Dog, Halley Gross revient sur son parcours et son intégration au projet. C’est l’occasion pour elle d’aborder l’écriture dans ce cadre inédit pour elle, mais aussi le contenu du jeu et sa réception. Quelques jours après les annonces du The Last of Us Day, revenons un peu en arrière pour parler de The Last of Us Part II (TLOU2).
Halley Gross, une nouvelle vidéo dans l’écriture vidéoludique
Une opportunité et des attentes
Initialement issue de la télévision, Druckmann repère Gross alors qu’elle travaille sur la série HBO Westworld. Oui, HBO, le même network qui produit actuellement la série télévisée The Last of Us..! La légende retiendra qu’elle jouait à Skyrim (Bethesda, 2011) lorsqu’elle a reçu cet e-mail de son agent, celui dans lequel il lui annonce que le nouveau co-président de Naughty Dog pense a elle pour le nouveau projet top secret du studio : The Last of Us Part II.
En tant que joueuse elle-même, Gross connait bien le premier The Last of Us. C’est donc une opportunité qu’elle est très heureuse de saisir. Il lui faut cependant garder la nouvelle pour elle en raison des clauses de confidentialité. Cela lui a néanmoins permis de se rendre compte de l’attente autour de ce nouveau volet de la licence. De fait, il lui suffisait de dire qu’elle travaillait au sein de Naughty Dog pour que les hypothèses à propos de la suite des aventures de Joel et Ellie fusent.
Travailler sur une suite espérée selon Halley Gross
Gross intègre le projet alors que Druckmann en a dressé les grandes lignes ; il savait déjà d’où il voulait partir et où il voulait arriver au bout de l’aventure. L’arrivée de Gross a contribué à élaborer la matière narrative du jeu, des personnages aux nœuds scénaristiques :
Je suis venue l’aider à construire de nouveaux personnages, des connexions, m’assurer que les deux filles aient des arcs bien étoffés.
Le jeu évolue de plusieurs façons au cours de son développement. Le dénouement change par rapport à ce que Druckmann envisage au départ, mais surtout le format pensé au départ est délaissé. De fait, TLOU2 se destinait à être un open world — le premier du studio depuis la licence Jak and Daxter. Gross justifie ce changement de cap par la tension dramatique que seule la linéarité expérimentée dans le premier opus pouvait apporter.
Les spécificités de l’écriture dans le secteur vidéoludique
Pair ailleurs, Gross reconnaît qu’elle redécouvre son métier en travaillant sur TLOU2. Humblement, elle reconnaît que même si la narration reste la narration, « les mécaniques de création de jeu, le processus de création de jeu sont une chose très, très différente ».
Il faut un temps d’adaptation à la scénariste lorsqu’il elle arrive sur le projet. Elle découvre alors un nouveau jargon professionnel et d’autres manières de créer. Les dialogues sont notamment bien différents des médias sur lesquels elle a travaillé auparavant. Dans un jeu vidéo, les personnages n’ont pas que des paroles qui participent de leur caractérisation ou de l’avancée de l’intrigue. Il faut donc concevoir une forme de bavardage naturel. Or, cela représente un nouvel exercice pour Gross.
J’ai eu la chance, très tôt, que Naughty Dog soit prêt à m’encadrer dans ce domaine et que, très tôt, ils m’aient fait participer à des réunions auxquelles je n’avais aucune raison d’assister, seulement pour que je commence à comprendre comment les niveaux sont construits, comment les animations sont élaborées […]. Ils ont été merveilleux.
Gross en retire un apprentissage enrichissant. Mais plus encore, elle apprécie le lien qui existe entre les différents pôles technique et de création dans le développement d’un jeu. Elle rencontre ainsi les différentes équipes qui travaillent à la conception du jeu. Non seulement cela lui permet de considérer l’histoire sous d’autres angles, mais aussi d’accueillir les opinions divergentes de la sienne.
The Last of Us Part II au sommet, envers et contre tout
Un jeu à l’image de son studio
La culture d’entreprise est un sujet qui revient régulièrement sur la table quand il s’agit de parler de Naughty Dog. Depuis les affaires de crunch rencontrées dès la licence Uncharted, la réputation du studio californien en prend un coup. Mais depuis quelques temps, les Dogs communiquent sur les changements opérés pour de meilleures condition de travail. Encore récemment, Evan Wells et Neil Druckmann revenaient sur ces mutations internes et l’avenir du studio.
L’expérience de Halley Gross va dans le sens des dernières prises de paroles des Dogs au sujet de leur culture d’entreprise. Pendant qu’elle travaille sur TLOU2, elle remaque que les membres du studio sont ici parce qu’ils ont envie d’y être, et pas uniquement pour tel ou tel projet. Selon elle, « ils veulent faire partie de ce que Naughty Dog entreprend », d’une manière générale.
Elle souligne notamment l’engagement et la collaboration au sein du studio, et ce sur le long terme. C’est en fait quelque chose qui lui manque dans le milieu télévisuel où les contrats ne sont qu’à court terme. Avec les Dogs en revanche, elle a le sentiment de trouver des partenaires, voire une famille, réunis autour d’un projet qui tend à tirer le meilleur de tous et toutes.
Gross trouve en outre remarquable de voir un tel condensé de talents au sein du studio. Mais plus encore, elle admire la diversité au sein des Dogs. Or, c’est une caractéristique qui se retrouve dans la licence depuis le premier jeu, et qui est plus frappante encore ici. Shepard lui-même relève le positif qu’il retire d’un jeu qui donne à voir des gens divers, de couleur de peau ou d’orientation amoureuse différentes. Pour Gross, tout l’enjeu est de parvenir à produire une œuvre au prisme de laquelle des gens peuvent avoir en partage un lien avec un personnage qui ne leur ressemble pas :
Chaque fois qu’une œuvre narrative — qu’il s’agisse d’un jeu, d’un film, d’une série TV ou d’un livre — peut amener les gens à ressentir de l’empathie pour quelqu’un de différent d’eux, nous sommes gagnants.
Des représentations et une histoire qui dérangent
Si vous avez suivi l’actualité du jeu, vous êtes probablement au courant des polémiques qui l’ont entouré. Quelques semaines en amont de la date de sortie, des fuites importantes ont été diffusées sur internet. Neil Druckmann se confiait sur leur impact une semaine après la sortie du jeu. Gross revient à son tour sur l’événement.
La co-scénariste de TLOU2 évoque son désarroi lorsqu’elle a appris la nouvelle. Désolée pour toute l’équipe, elle aussi directement touchée. De fait, elle reçoit encore aujourd’hui des insultes sur les réseaux sociaux. Les choix scénaristiques risqués ont inévitablement divisé. Le problème, selon Gross, ce ne sont pas tant les personnes qui n’ont pas apprécié l’histoire en y ayant joué, mais bien celles qui colportent des rumeurs et des fausses idées sans même y avoir touché. Et de conclure :
L’ironie est que ce jeu parle de ne pas juger les gens sans contexte.
Il semble que les injures et menaces émises au moment de la sortie ne se soient donc pas totalement éteintes. Tout récemment, Gabby Llanillo, Senior QA tester chez Naughty Dog, annonçait quitter le studio pour d’autres projets. Ouvertement homosexuelle, elle a reçu de nombreux tweets se réjouissant de son départ pour cette raison. De fait, une partie des critiques à caractère discriminatoire concernant TLOU2 pointait du doigt ses représentations.
People happy I left ND cause they think it’ll make their games less political and lgbt friendly ??? babes I did not make those decisions but thanks for believing in me though
— Gabby ??? (@gabs820) September 18, 2021
Or, Gross, autant que les équipes de Naughty Dog, sont engagées sur ces questions depuis des années. La direction prise par la série The Last of Us semble d’ailleurs prolonger ces valeurs. À nouveau, nous en revenons à cette problématique de l’empathie soulevée par Gross. Le jeu est aussi l’occasion d’expérimenter et de prendre du recul sur la dureté du réel et les possibles de celui-ci.
…mais que rien ne semble pouvoir arrêter
Choisir une scénariste issue de la télévision pour un titre aussi attendu et important que The Last of Us Part II était un sacré pari… Mais plus d’un an après, plus rien ne peut remettre en doute la réussite de cette suite. Pour son premier travail dans l’industrie vidéoludique, Gross tape fort : le titre est le aujourd’hui jeu vidéo le plus récompensé au monde.
Le succès de TLOU2 nous garant-il pour autant une nouvelle suite ? La fin ouverte de cet opus laisse en tout cas le champ libre. Nous savons déjà que les grandes lignes d’une Part III ont été dressées. Si le projet se concrétise bel et bien, Gross pourrait faire son retour à l’écriture. De fait, Druckmann expliquait qu’ils ont commencé à écrire cette suite hypothétique ensemble.
Il faudra dans tous les cas patienter pour peut-être voir le futur de l’aventure d’Ellie ou d’Abby. Cependant, nous devrions encore entendre beaucoup parler de The Last of Us dans les mois et années à venir. Il y a d’abord la série HBO, à propos de laquelle la voix française d’Ellie s’exprimait récemment. Ensuite, un standalone multijoueur dans l’univers de TLOU2 est en préparation chez les Dogs ; il devrait s’agir d’une version totalement repensée de TLOU1. À ce propos, un projet de remake du premier The Last of Us serait en cours de développement.
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