Si vous avez aimé “The Last of Us”, vous adorerez la bande dessinée “La Route”

Le récit de The Last of Us n’aurait pas été le même sans un roman paru quelques années avant sa sortie. La Route, l’une des principales œuvres qui ont donné son souffle au périple de Joel et Ellie, vient de connaître une adaptation sous forme de bande dessinée. Si vous aimez le jeu de Naughty Dog, alors vous aimerez la relecture de Cormac McCarthy par Manu Larcenet.

2013. Le jeu se lance, le logo Naughty Dog laisse place à l’écran d’accueil. Une fenêtre brisée dans une maison abandonnée. La lumière du jour perce à travers le carreau tandis que le vent fait voleter les rideaux par l’entrebâillement. Celui-ci laisse aussi pénétrer la végétation rampante, prête à infester les lieux autrefois habités par quelque représentant de l’espèce humaine. La scène est paisible… C’est le calme avant la tempête.

The Last of Us est incontestablement un blockbuster vidéoludique. Mais s’il y a un avant et un après cette œuvre dans le paysage vidéoludique, c’est précisément parce que le grand spectacle s’y efface au profit du récit, prenant le contre-pied total de la licence précédente des Dogs, Uncharted. Qu’on ne se méprenne pas, l’action y est bien présente. Mais elle n’est pas gratuite; elle ne naît que de la nécessité de survivre et de sauver sa peau dans ce monde post-apocalyptique. La focale est proche du personnage, proche du récit, proche de l’humain.

Cadre sombre. Gros plan sur le visage de Joel, vu de face, et dont la moitié gauche du visage baigne dans l'ombre. Derrière lui, il y a le visage d'Ellie, de trois quart tourné vers la caméra. Elle est situé du côté éclairé de l'image.
Joel et Ellie, les protagonistes The Last of Us (2013). © Naughty Dog.

En cela, The Last of Us a su apprendre des œuvres qui l’ont inspiré. Parmi elles, La Route (The Road), le fameux roman de Cormac McCarthy qui a valu à son auteur, disparu en 2023, le prix Pulitzer. Trois ans après sa sortie, en 2009, l’ouvrage a été adapté en un film éponyme par le réalisateur John Hillcoat. Puis, le mois dernier, c’est une autre réinterprétation sur papier qui s’est fait une place sur les étals des libraires.

Aux origines de The Last of Us avec La Route

La Route est un récit âpre, sombre. Dans un avenir incertain, le monde que nous connaissons a été dévasté par un mal inconnu. Sur les pas d’un père et son fils, le lecteur plonge dans l’obscurité de ce monde où la seule lueur reste ce jeune garçon. En dehors de ce cercle familial, restreint depuis que la mère ait disparu sans qu’aucune explication ne soit donnée, peu de morale, peu de vie, peu d’espoir.

Évidemment, il y a quelque chose de Joel et Ellie dans cette histoire de survie sans concession. Quand bien même The Last of Us garde des traces solides de civilisation, le futur qu’il nous raconte est brutal, amer, particulièrement vu à travers les yeux de ce quinquagénaire à qui le monde a tout enlevé. Alors les deux histoires nous interrogent : quand il s’agit de protéger son enfant, jusqu’où aller ?

Lorsqu’on a goûté aux deux œuvres, on ne peut que voir les emprunts de The Last of Us à La Route. Et Naughty Dog ne s’en cache pas, glissant des clins d’œil  à l’œuvre de McCarthy et à l’adaptation de Hillcoat dans ses productions. Le final du jeu, par exemple, reprend un plan iconique du film. Et cet hommage, nous le retrouvons jusque dans la série The Last of Us (HBO). Même le second opus vidéoludique de la licence, The Last of Us Part II, comprend son petit Easter egg.

Scène final d'Ellie dans The Last of Us.
© Naughty Dog.

La Route tracée par Manu Larcenet

Quand on ouvre une œuvre de Larcenet, on sait qu’on s’attend à un extrême ou l’autre : à la drôlerie ou, tout son contraire, à la gravité. C’est évidemment cette dernière qui habite chacune des pages de La Route, sa “Route” à lui, telle qu’il la dépeint dans sa bande dessinée parue le 27 mars 2024 chez Dargaud.

Le roman de MacCarthy est un récit sans compromis, et Larcenet le traduit visuellement avec autant de radicalité. Le vide, et plus encore le silence, de ce monde post-apocalyptique habite chaque page, chaque case. Tout comme les traces de vie, tout comme la lumière, les paroles se font rares dans ce périple. Les personnages avancent, lentement, pas à pas, dans l’obscurité sans fin.

Extrait de la bande dessinée La Route, de Manu Larcenet, aux éditions Dargaud.
© Manu Larcenet.

Reçu sur le plateau de La Grande Librairie, l’auteur a justement exprimé son attrait pour l’aspect de La Route. Il le dit, « ce [qu’il] aime dans le livre de McCarthy, c’est que c’est grave d’un bout à l’autre, il n’y a pas d’espoir, […] et pour [lui] c’est ça la vraie noirceur ».

La couleur ne collait pas à un tel récit. Larcenet a donc appliqué une des premières leçons qu’il a reçu en école d’art : faire des gris, et notamment des gris colorés, ses armes. Or, le gris occupe une place prépondérante dans le paysage enveloppé de cendres du roman. Et cette texture, l’artiste parvient également à la rendre en image en jouant sur un effet de particules qui fera écho chez les fans de The Last of Us.

Le trait pour La Route, il l’a rapidement trouvé et en fait la démonstration pour France Inter. En seulement quelques coups de stylo-pinceau, il pose ainsi le décor déstructuré de cette Amérique en ruines. Un semblant de perspective guide le pas, mais le paysage est désolé, « tordu » et « à moitié pété » comme le qualifie Larcenet. Les cendres, il en parle là aussi. En l’écoutant, on comprend que ce sont elle qui donnent corps à cet univers si particulier. De fait, elles viennent tout « crader », brisant les lignes qui cadrait le monde moderne fut un temps lointain.

Plus morne que The Last of Us, La Route ne laisse pas indifférente. Elle est un rendez-vous avec une mort omniprésente. Quelque chose de réflexif se dégage de ses planches, quelque chose qui vous met face à vous-mêmes dans ce monde de solitude. Par conséquent, ne passez pas votre chemin, un voyage aux cinquante nuances de gris (colorés) vous attend.

Où se procurer la bande dessinée La Route ?

Disponible depuis le 27 mars 2024, vous trouverez la bande dessinée La Route dans toutes les bonnes librairies spécialisées. Aussi, vous pouvez la commander sur le site officiel de la maison d’édition Dargaud. Elle est ainsi proposée en deux éditions, standard (28,50€, 160 pages) ou deluxe (39€, 176 pages). Parcourez enfin les premières pas de l’ouvrage de Larcenet gratuitement, en ligne. L’extrait est proposé, là encore, sur le site de l’éditeur.