The Last of Us Part II | Evan Hill, ancien level designer pour Naughty Dog, révèle comment il a conçu le niveau culte du musée

Le jeu The Last of Us Part II regorge de moments mémorables, dont certains ont durablement marqué l’imaginaire des fans. Parmi eux, on retiendra particulièrement la séquence du musée. Le level designer ayant travaillé sur sa conception revient sur ses secrets de fabrication.

C’est aujourd’hui qu’est sorti le sixième épisode de la saison 2 de The Last of Us (HBO). Le public y découvre l’adaptation d’un chapitre très apprécié des fans du jeu The Last of Us Part II : celui du « cadeau d’anniversaire ». La série propose ainsi sa propre lecture du passage du musée. À cette occasion, et au lendemain de la journée internationale des musées, on a voulu a revenir sur la manière dont il a été conçu dans l’œuvre originale.

Les secrets derrière le niveau du musée dans The Last of Us Part II

La chaîne YouTube Game Maker’s Toolkit est une mine d’or pour celles et ceux qui s’intéressent aux coulisses de développement des jeux vidéo. Son créateur, le journaliste Mark Brown, invite régulièrement des professionnels du secteur pour discuter de la manière dont ils ont pensé tel gameplay, telle mécanique, telle manière d’agencer un niveau…

En 2020, année de sortie de The Last of Us Part II, Brown avait reçu Evan Hill pour parler de ce qu’il considère comme le « meilleur niveau » du jeu : celui du musée. À l’époque, son invité était parti voguer vers d’autres horizons après la fin de son contrat temporaire chez Naughty Dog, pour qui il avait travaillé pendant deux ans et demi. Il avait notamment contribué en tant que level designer à cette fameuse séquence du chapitre « Le cadeau d’anniversaire ».

Le level design, une phase de conception indispensable

Pour préparer ce niveau (et « beaucoup d’autres »), Neil Druckmann, le co-créateur du jeu, n’avait transmis « que deux paragraphes » à Evan Hill. Le level designer avait également accès à un grand tableur répertoriant l’intégralité des éléments à intégrer dans The Last of Us Part II selon les séquences. Celle du musée devait impérativement montrer que Joel avait appris à Ellie à nager et une confrontation à propos des Lucioles.

Evan Hill avait carte blanche pour le reste, alors il s’est mis au travail. Son processus consiste à démarrer sans croquis préalable, préférant passer directement à l’étape de la conception en 3D sous forme de blockmesh. Il explique que pour « savoir si un jeu qui en 3D fonctionne, le plus simple et le plus rapide est de passer directement à la version finale ». Pendant cette phase de conception, Hill incorporait un modèle du personnage d’Ellie et la déplaçait pour vérifier que les proportions des lieux sont corrects, entre autres.

The Last of Us Part II : Prototype du musée.
© Game Maker’s Toolkit / Evan Hill et Naughty Dog

Promenons-nous dans les bois avec Ellie et Joel

Mark Brown remarque un élément intéressant à propos du début de cette séquence de The Last of Us Part II. Elle s’ouvre sur une zone naturelle et ouverte que nous traversons cependant en ligne droite. Ce genre de situation représente notamment un défi en matière de distance d’affichage. Hill confesse que ça a été « pénible » à concevoir. L’astuce a été de « donner une impression d’immensité tout en créant des barrières naturelles ». Ainsi, le joueur pouvait se laisser guider naturellement dans l’espace.

Bien que court, ce passage de marche en forêt use de quelques astuces narratives. Lorsque qu’Ellie et Joel se poussent mutuellement à l’eau, cela dénote plusieurs choses. D’abord, c’est un moyen très simple mais aussi très explicite de montrer que l’adolescente sait désormais nager. Pas de besoin de le raconter : on le voit et on le comprend en un coup d’œil. Ensuite, la pression d’une touche dans la séquence cinématique, lorsque la jeune fille rend la pareille à son père, est une façon d’impliquer davantage le joueur dans l’action.

Ellie jeune qui nage dans TLOU 2.
© Naughty Dog / SIE

Enfin, les équipes de Naughty Dog sont restées fidèles à leur volonté de nous ortienter instinctivement dans ce passage. Ici c’est Joel nous conduit jusqu’à notre point de chute. On arrive alors face à une statue géante de dinosaure. Ellie est très emballée à cette vue et on peut même lui offrir la joie de sauter du haut de sa tête si on le souhaite. Evan Hill fait remarquer la queue et le dos du dinosaure sont éclairés. Ce faisant, notre regard est attiré vers cette surface. C’est un moyen subtile de nous encourager à approcher pour s’aperçoir alors qu’on peut grimper dessus.

Le level designer confesse que cette interaction facultative est née par simple itération. En s’asseyant et en jouant avec Neil Druckmann dans le prototype du niveau que le créateur de The Last of Us Part II a demandé : « est-ce que je peux l’escalader ? ». Il n’en a pas fallu plus pour que Hill intègre cette idée au jeu. Puis, plus tard, c’est « en réaction à l’art » que les répliques additionnelles ont été écrites par Druckmann et sa co-scénariste, Halley Gross. En fonctionnant de cette façon, les dialogues deviennent plus naturels que s’ils avaient été écrits en amont.

Ellie découvre la statue de dinosaure devant le musée dans The Last of Us Part II.
© Naughty Dog / SIE

Bienvenue au musée de The Last of Us Part II

Vient ensuite le moment de pénétrer dans le bâtiment. Evan Hill et ses collègues voulaient alors une introduction « plus neutre ». L’objectif ici n’était pas de guider l’œil du joueur comme pour lui indiquer un sens de visite. Au contraire, le but était qu’il se sente libre de déambuler comme il le souhaite, d’aller lui-même à la rencontre de cet environnement.

Le joueur est donc le seul maître de sa progression à ce moment. C’est lui qui choisit son rythme et qui ira à la découverte de toutes les interactions facultatives qui s’offrent à lui. D’ailleurs, Hill explique que celles-ci sont volontairement courtes pour donner envie de tomber sur d’autres petits moments comme ça. Les mouvements de caméra sont également cruciaux pour mettre en valeur les éléments à découvrir, à l’instar des squelettes de dinosaures. C’est pourquoi « l’essentiel est de toujours veiller à ce que les occulteurs, comme les murs, glissent et éveille l’intérêt, plutôt que tout montrer d’un seul coup ».

Mais en tant que développeur, il faut accepter une réalité : tous les joueurs de The Last of Us Part II ne verront pas l’intégralité des interactions proposées ici. En laissant la liberté d’explorer, Evan Hill sait bien que certains passeront à côté de certains éléments. Mais ça ne le dérange pas ! Pour lui, il n’y a « pas de manière unique et parfaite de traverser ce niveau ». Ainsi, c’est à chacun d’aller aussi en profondeur qu’il le souhaite, une philosophie qui satisfaira autant celles et ceux qui veulent prendre leur temps que d’autres qui préfèreront avancer plus vite.

Evan Hill commente les intéractions dans le musée de The Last of Us Part II.
© Game Maker’s Toolkit / Evan Hill et Naughty Dog

Vers l’infini et au-delà

Après les dinosaures, The Last of Us Part II nous transporte dans les étoiles avec une zone du musée dédiée à l’exploration spatiale. Au moment de concevoir ce niveau, Evan Hill s’est d’abord concentré sur la densité de cet environnement. Il s’agissait pour lui de déterminer où placer les points d’intérêt. Là encore, naviguer dans le décor a permis de trouver la quantité adéquate pour donner lieu à un bon rythme. Le développeur se souvient que cette partie a dû connaître «  trois ou quatre révisions complètes » avant de parvenir à la version définitive.

Prototype d'Evan Hill de la zone du musée dédiée à l'espace dans TLOU 2.
© Game Maker’s Toolkit / Evan Hill et Naughty Dog

En parcourant cette zone, vient le moment où la caméra nous attire vers les vestiges d’une capsule spatiale. À l’origine, Evan Hill révèle que la séquence devait plus ou moins s’arrêter là. Mais plus ils planchaient dessus avec les scénaristes, plus ils voulaient aller plus loin, ce qui a conduit à ce que le point culminant de la séquence du musée ne soit plus la découverte de la statue de dinosaure, mais celle de la capsule :

Nous souhaitions mettre en scène ce moment de la vie d’Ellie où elle se sent libérée de tout le fardeau qu’elle porte.

The Last of Us Part II : Concept art Moon Landing par Florent Lebrun.
© Florent Lebrun et Naughty Dog

Retour brutal à la réalité de The Last of Us Part II

Evan Hill se souvient que l’une des principales motivations pour The Last of Us Part II, et en particulier la séquence du musée, était de proposer de la « variété émotionnelle ». Ainsi, les équipes ont conçu le parcours pour nous faire passer d’un moment parfait à un autre beaucoup moins réjouissant. « Le musée a une partie plus sombre, comme la relation d’Ellie et Joel » explique le level designer.

On pénètre dans cette seconde zone par une porte de chargement, si bien qu’aucun retour en arrière n’est possible. Dès lors, on ne peut échapper à ce décor plongé dans l’obscurité où la tension plane. Bien qu’aucun ennemi ne nous attende, tout est fait pour donner l’impression que le danger est présent. Quelqu’un d’autre est passé par ici auparavant, quelqu’un qui regrette visiblement ses choix. Tout est fait pour mettre en lumière le fait que « la relation d’Ellie et Joel comporte des conflits internes qu’on ne peut ignorer ».

Huan Tran présente son travail d'éclairage lorsque d'Ellie et Joel découvre un logo de Luciole accompagné de la mention « Liars » taggé à l'intérieur du musée, dans un flashback de The Last of Us 2.
© Huan Tran et Naughty Dog

Cette fin de séquence est également un moyen de préparer l’enchaînement vers la suite de The Last of Us Part II. En sachant que la partie à Capitol Hill aurait lieu après, le level designer a pu commencer à replacer un peu d’action à la fin de ce flashback. L’attaque du sanglier est une manière de nous remettre doucement en condition.

« Le cadeau d’anniversaire » illustre l’envergure des ambitions de Naughty Dog

En tout, ce flashback phare de The Last of Us Part II aura pris deux ans de conception. Beaucoup de séquences ont demandé à être retravaillées à plusieurs reprises avant d’aboutir à la version finale. Les responsabilités d’Evan Hill ont elles-mêmes évolué au cours du temps. « Au début, il s’agissait juste d’agencement ». Progressivement, il a été responsable d’éléments de design narratif, jusqu’à devenir producteur à part entière.

Evan Hill et Mark Brown pour la vidéo de Game Maker's Toolkit sur The Last of Us Part II.
Evan Hill et Mark Brown. © Game Maker’s Toolkit / Evan Hill et Naughty Dog

C’est là qu’on comprend toute la chaîne qui se met en place pour donner vie à un jeu d’une telle ampleur. Ainsi que le rappelle Mark Brown, depuis les concept art, Hill a prototypé le niveau à l’aide de blockmesh ensuite « transformés en fabuleux modèles 3D par David Baldwin et Sarah Swenson ». Ajoutez ensuite les textures de Brian Beppu et les éclairages de Scott Greenway. Il faut également prendre en compte les animations des personnages qui interagissent avec l’environnement et la production des cinématiques.

Le travail d’Evan Hill a donc pris vie au croisement d’un tas d’autres métiers. Cela vaut autant pour la séquence du musée que les autres sur lesquelles il a travaillées (le second flashback d’Ellie, celle terrible du challet et la partie entre Abby et Owen en début de jeu). Le journaliste souligne à quel point ce processus artisanal est n’est pas « viable financièrement ». Selon lui, seules quelques rares studios peuvent se le permettre, comme Rockstar et Naughty Dog.

Et encore, en s’appuyant sur ces deux exemples, Brown met également en lumière le fait que cet absolutisme dans la réalisation d’un jeu comme The Last of Us (ou Red Dead Redemption 2 pour Rockstar) n’est possible qu’en contrepartie d’un investissement dommageable pour les équipes, sous-entendu une situation de crunch. Le chapitre du « Cadeau d’anniversaire » est une véritable leçon de level design, mais il est aussi emblématique de l’investissement que requiert un jeu de cette ampleur.

Les équipes de Naughty Dog.
Les équipes de Naughty Dog © Naughty Dog

Quel souvenir du musée gardez-vous dans The Last of Us Part II ? Avez-vous sans transposition dans la série HBO ? Dites-nous tout en commentaire ! Et pour ne rien manquer des productions de Naughty Dog, retrouvez-nous sur YouTubeX (Twitter)Facebook, Instagram et Discord.

Logo The Last Of Us Part II Remastered

Jaquette Mini The Last Of Us Part II Remastered

ÉDITEUR : Sony Interactive Entertainment
DÉVELOPPEUR : Naughty Dog
DATE DE SORTIE : 19 Janvier 2024
SUPPORTS : PlayStation 5
MULTIJOUEUR LOCAL : Non
MULTIJOUEUR EN LIGNE : Oui
TROPHÉES : Oui
SITE OFFICIEL :

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