Recrutement, fins de missions… Où en sont les équipes de Naughty Dog ?

Au 1er octobre, bon nombre de contractuels employés par Naughty Dog mettaient à jour leur profil LinkedIn afin de montrer qu’ils étaient à la recherche de nouveaux contrats. Aujourd’hui, Kotaku publie un article tirant la sonnette d’alarme pour l’un des projets les plus attendus du studio : le standalone multijoueur dans l’univers de The Last of Us. Il est temps de faire le point.

PixelOpus, Volition, Team17, Epic Games… Les fermetures de studios et licenciements ne ralentissent pas cette année encore dans le monde du jeu vidéo. Et aujourd’hui, c’est un studio de premier plan chez PlayStation qui se voit toucher par des retranchements dans sa main-d’œuvre. Alors, que se passe-t-il chez Naughty Dog ?

C’est la nouvelle rapportée par Kotaku aujourd’hui: « Naughty Dog licencie des développeurs » clame l’article. Deux sources anonymes ont révélé au journaliste Ethan Gach qu’« au moins 25 développeurs faisaient partie de la réduction des effectifs » en cours dans le studio. Il s’agirait principalement de contractuels, soit de personnes externes employées comme renforts par les Dogs, travaillant, pour la plupart, à des postes de QA testers.

Cette actualité s’inscrit dans une dynamique de restructuration des équipes et des projets qui interroge quant à l’aspect alarmiste adopté par Kotaku. Nous vous proposons donc de faire le point sur la situation.

Réduction d’effectifs

Comptant presque 500 employés, Naughty Dog affiche un effectif record dans son histoire. Cette croissance a, en partie, motivé le retour du studio au multiprojet. Ainsi, depuis quelques années, les Dogs sont de nouveau répartis entre plusieurs jeux à différentes étapes de développement. Par le passé, cela n’avait pas été un pari gagnant, mais la promesse devait être tout autre cette fois-ci avec un changement drastique en matière de management.

Mais Kotaku tire aujourd’hui la sonnette d’alarme. Vingt-cinq employés contractuels ou plus seraient sur le départ. Cela représenterait 5% des effectifs du studio. Dans les faits, cela n’a rien d’étonnant. Le recours aux contractuels est très courant dans l’industrie vidéoludique, notamment aux États-Unis. Dès lors, la prolongation de ces contrats dépend de l’état du projet auquel ils sont rattachés.

Multijoueur The Last of Us
Concept art du projet de multijoueur dans l’univers de The Last of Us.

Or, en mai dernier, nous apprenions notamment que le multijoueur dans l’univers de The Last of Us devait être remanié en interne. En a découlé une réorganisation de l’équipe, une partie ayant migré vers d’autres projets du studio. En raison de ce revirement inattendu, on s’attendait inévitablement à ce que les effectifs des Dogs connaissent quelques coupes.

S’adapter aux rythmes de production

En jetant un œil sur LinkedIn, on s’aperçoit effectivement que plusieurs personnes ayant travaillé sur le multijoueur ont informé leur réseau fin septembre/début octobre que leur contrat s’arrêterait à la fin du mois. Sur les huit profils repérés, six sont ceux de QA tester contractuels. Les deux derniers sont celui d’un environment artist, également contractuel, et d’un coordinateur de production, seul ici qui était à plein temps.

Un autre point notable au regard de ces partages est qu’ils nous donnent quelques indications sur les projets auxquels contribuaient les différents employés :

En ce sens, certaines fins de contrats s’expliqueraient par le stade d’avancée des projets du studio. Sans pouvoir l’affirmer, nous pouvons néanmoins émettre l’hypothèse que le suivi du portage de TLOU Part I sur PC soit maintenant relégué au second plan, ce qui signifie inévitablement des réductions d’effectif. De même, selon la phase de développement du multijoueur et du prochain jeu solo des Dogs, les besoins en termes de personnels varient inévitablement.

Extrait d'une cinématique de The Last of Us Part I. Joel Mille est assalli par un Claqueur qui est parvenu à la plaquer au sol.
The Last of Us Part I est sorti sur PC le 28 mars 2023.

Dès lors, certains départs du studios ne semblent pas sortir de l’ordinaire. Cela fait partie du cycle de vie d’un studio de voir ses effectifs varier au rythme de ses projets. Mais l’article de Kotaku sous-entend quelque chose d’autre…

Fins ou ruptures de contrats ?

En lisant les dires de Kotaku, on se demande si ces contrats sont arrivés à terme naturellement. De fait, Ethan Gach n’hésite pas à parler explicitement de licenciements. Simple manière d’aguicher les lecteurs ou véritable cas d’abus ? Difficile à dire sans détails plus concrets.

image équipe développement The Last of Us prix Game of the Year 2014 Game Developers Choice Awards
Des membres de l’équipe de Naughty Dog en 2014, aux Game Developers Choice Awards.

Qui plus est, un point mentionné reste confus, faute de précisions.  De fait, le journaliste rapporte qu’aucune « indemnité » ne serait reversée par le studio. Si les contrats avaient effectivement étaient avortés, dans ce cas Naughty Dog serait dans l’obligation légale de verser un dédommagement. Ce n’est cependant pas le cas pour une fin de contrat traditionnelle d’un contractuel.

Autre chose retient également notre attention : les sources de Gach expliquent que les personnes touchées par ce non-renouvellement de contrat et, par extension, toutes celles au courant, recevraient des pressions pour se faire discrètes. Là encore, nous sommes face à un point d’ombre qui ne demande qu’à être éclairci. Mais si les dires sont vrais, alors il y a de quoi s’inquiéter pour la gestion interne chez Naughty Dog.

Nouvelles têtes chez Naughty Dog

Alors que Naughty Dog s’apprête à se séparer d’une petite partie de sa main-d’œuvre, elle ouvre également la porte à de nouveaux talents. Au printemps dernier, nous apprenions par exemple le recrutement de plusieurs artistes, parmi lesquels David Blatt. Et alors que l’année avance, les nouvelles recrues continuent de venir doucement grossir les rangs.

Cet été, c’était Rachel Levine qui rejoignait l’équipe comme productrice Senior. Travaillant auparavant chez Bungie, les nouveaux spécialistes des jeux-services de l’écurie PlayStation, son recrutement peut rassurer quant à la volonté de maintenir le standalone multijoueur sur les rails.

On remarque également que de récentes offres ont trouvé preneur. De fait, Eric Medel, un ancien de Amazon Games et Warner Bros. Entertainment, vient de rejoindre le studio comme directeur des finances. Comme nous l’avions évoqué au moment de la publication de ces offres d’emploi, la restructuration des équipes pourraient s’accompagner d’une restructuration budgétaire.

Enfin, on notera que les Dogs accueillent parmi leurs employés à temps plein des rescapés de chez Volition, studio dont la fermeture a été annoncée pas plus tard que le mois dernier. Ainsi, Collin Hasken intègre l’équipe à comme programmeur des systèmes de gameplay, tandis que Shawn Lindberg devient programmeur graphique senior.

Coup de projecteur sur les conditions de travail des contractuels

Dans son alerte, l’article de Kotaku manque un point crucial de cette affaire : la précarité à laquelle sont confrontés les contractuels. Et cet enjeu porte, bien sûr, bien au-delà de l’industrie vidéoludique.

Que Naughty Dog se sépare proprement ou non de sa main-d’œuvre externe, la finalité reste la même : toutes ces personnes se retrouveront sans emploi. Selon les conditions, tout au plus bénéficieront-elles d’indemnité, d’une aide à court terme en somme. Et notons, en outre, que le département de l’assurance qualité (QA) est l’un des plus sujets à ces difficultés.

Plus globalement, le statut de contractuel n’offre pas le même confort que l’équivalent de notre CDI. De fait, les personnes ne bénéficient pas des mêmes avantages sociaux. Et, bien entendu, le principe du statut est qu’il n’ouvre la porte qu’à des postes temporaires. De fait, rien n’oblige l’employeur à embaucher ensuite la personne à temps plein.

Dès lors, on ne peut qu’espérer que PlayStation prête attention aux employés de ses studios. Tout comme quelques personnes de Volition trouvent des places chez les studios de Sony, espérons que les personnes qui quitteront prochainement Naughty Dog jouiront d’une aide similaire.

Logo de Volition.

En somme, en attendant d’y voir plus clair sur la situation interne du studio à la patte rouge, nous pouvons nous questionner encore davantage sur les rouages de cette industrie. Il y a encore peu, nous rappelions la moyenne basse des salaires des développeurs par rapport à un poste similaire dans une entreprise hors jeu vidéo. Il y a indubitablement un coup de pied à donner dans la fourmilière vidéoludique.

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