The Last of Us | La musique de Gustavo Santaolalla comme moyen de connecter le public à l’œuvre
Interviewé par The Hollywood Reporter, le compositeur Gustavo Santaolalla revient sur son processus de création et la façon dont il considère sa musique comme une manière de connecter les joueurs puis les téléspectateurs à The Last of Us.
Musicien et compositeur de renom, Gustavo Santaolalla est l’homme derrière la bande originale de la licence The Last of Us. Déjà multiplement récompensé, il est actuellement en compétition aux Emmy Awards avec la partition qu’il signe sur l’épisode 3 de la série adaptée par HBO, diffusé il y a exactement dix mois aujourd’hui. Entendu par Ashley Foster pour The Hollywood Reporter, l’artiste se livre sur cette nomination mais aussi sa manière de travailler la musique.
Bâtir sa méthode à l’oreille (absolue)
Gustavo Santaolalla a grandi en Argentine. Très jeune, il commence à apprendre la guitare. Il se rappelle que sa mère avait longtemps voulu apprendre elle-même, sans jamais le faire. Alors quand il reçoit une guitare en cadeau de la part de sa grand-mère à l’âge de cinq ans, on ne tarde pas à vouloir faire de lui un musicien.
Seulement, voilà : le petit Gustavo n’entend rien à la « musique de papier ». Il n’arrive pas à lire les notes. Alors, sa musique, il la joue à l’oreille. Il est si doué qu’il retient par cœur les partitions que sa professeur lui joue. Mais, au fil des années, elle se rend bien compte qu’elle ne peut plus lui apprendre de cette façon.
À neuf ans, le jeune garçon commence à travailler par lui-même. À douze ans, il se rêve en Beatles. Il travaille alors assidument, s’enregistrant à l’aide d’un magnétophone. Encore aujourd’hui, il procède ainsi : tout ce qu’il doit retenir, toutes ses idées, il les enregistre à l’aide du dictaphone de son téléphone.
Santaolalla explique qu’il « ressen[t] vraiment par la musique ». Jouant d’instinct, cette méthode de travail est celle qui lui correspond le mieux. Une fois ses enregistrements faits, il les confie ensuite à une personne qui sera en mesure de les retranscrire sur papier pour les gens avec qui il collabore, notamment lorsqu’il joue avec un orchestre, comme c’est le cas pour le film Le Secret de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2006).
Un amoureux de cinéma invité sur grand écran
À 18 ans, Santaolalla sort son premier album avec le groupe Arco Iris, fondé à la fin des années 1960 et vite populaire en Argentine. Au même moment, il envisage d’étudier le cinéma à l’université. Cependant, le pays est passé depuis peu sous dictature militaire, « de sombres années » qui ont coûté la vie à au moins « trente mille personnes » se souvient le musicien. Ce n’était pas une époque propice au septième art :
Le gouvernement a fermé l’Institut de cinématographie ; il n’y avait plus de carrière pour les réalisateurs. J’ai donc continué à faire de la musique. Mais, j’ai toujours eu cet amour pour le cinéma et cet aspect graphique dans ma musique.
Trente ans plus tard, Santaolalla sort un album dédié à son instrument de prédilection : le ronroco. C’est là que tout s’enchaîne pour lui. D’abord, le réalisateur étasunien Michael Mann l’invite à composer pour son film Révélations (1999). Cinq ans plus tard, il reçoit son premier BAFTA Award pour Carnets de Voyage. En 2005, le voilà oscarisé pour Brokeback Mountain, remportant le prix de la meilleure musique de film, qu’il gagne à nouveau l’année suivante avec Babel (Alejandro González Iñárritu, 2006).
Du cinéma à The Last of Us
De son propre aveu, Gustavo Santaolalla est « un piètre joueur » quand il est question de jeux vidéo. Cependant, il apprécie de regarder les parties des autres. Pour autant, après avoir remporté deux Oscar, il a rejeté toutes les propositions qui venaient de studios de jeux ; il sentait que « ce n’était pas pour [lui] ». Du moins, jusqu’à ce qu’un certain Neil Druckmann vienne lui conter l’histoire de The Last of Us.
Il m’a dit qu’il était lui aussi à la recherche d’une connexion. Il voulait établir un lien avec un joueur en dehors des combats, des tueries et de la survie. Il voulait créer une histoire qui serait très émouvante. Il y a quelques moments dans le jeu où les gens ont pleuré, comme dans les films.
Pour Santaolalla, « la musique connecte les gens ». Dès lors, il était évident que la proposition de Druckmann ne le laisserait pas indifférent. Le musicien et compositeur a donc rejoint le projet, laissant son empreinte si personnelle sur la licence.
Pour moi, il n’a jamais été question d’écrire de la musique pour un jeu vidéo – la musique était destinée à une grande histoire.
Composer pour The Last of Us
S’il arrive à Gustavo Santaolalla de travailler et d’enregistrer avec des orchestres, le plus souvent il joue lui-même ses propre compositions, quitte à passer d’un instrument à l’autre. C’est notamment le cas pour les jeux et la série The Last of Us. Le choix du ronroco et de la basse à six cordes étaient le sien, tout comme l’interprétation est la sienne.
Qui plus est, le processus de travail avec Naughty Dog était très « organique ». Comme a son habitude, il a pu prendre part au projet assez tôt dans la phase de création. Ce faisant, il a pu donner vie à sa musique en avançant avec les autres équipes.
Cette méthode lui permet de faire évoluer ses compositions en fonction de ce que l’histoire et les personnages lui inspirent. En résulte des morceaux souvent « minimalistes », mais d’une puissance émotionnelle remarquable. C’est pourquoi la musique de Santaolalla devient si inséparables des œuvres qu’elle accompagne, à l’instar de The Last of Us :
Craig Mazin et Neil Druckmann [les co-créateurs de la série HBO, nldr], estiment que ma musique fait partie de l’ADN de The Last of Us, de la matière même de l’histoire.
À titre d’exemple, Ashley Foster conclut son interview en questionnant Santaolalla sur l’épisode 3 de la série. Pour rappel, celui-ci se concentre sur la relation et la construction d’une vie à deux entre Bill et Frank, deux hommes que tout opposait en apparence. Pour Santaolalla, qu’importe qu’il se soit agit d’une romance entre deux hommes, puisque c’est avant tout « une belle histoire d’amour ».
Je pense que le plus important dans ces deux histoires [celle de Bill et Frank et celle des héros de Brokeback Moutain, ndlr] est de mettre en avant la relation entre deux êtres humains. En écrivant la musique, j’avais cela à l’esprit : deux êtres humains, et une histoire d’amour.
Le 15 janvier prochain, nous saurons donc si le musicien argentin remportera l’Emmy Award de la Meilleure composition originale pour une série TV. Vous ne voulez pas manquer l’annonce du palmarès ? Alors suivez Naughty Dog Mag’ sur votre réseau social préféré :
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