Jak and Daxter | Les équipes de Naughty Dog dévoilent les secrets de fabrication derrière la licence et son remaster

En 2012, les membres de Naughty Dog – anciens comme nouveaux – sont revenus sur les coulisses de la création de la licence Jak and Daxter. À l’occasion des sept ans de la compilation PS4, nous vous proposons de redécouvrir ce making of plein de secrets de fabrication, de nostalgie et d’authenticité.

La fin d’année est une période riche en célébrations pour la saga Jak and Daxter. Les anniversaires s’enchainent : nous fêtions encore celui de Jak 3 par plus tard que la semaine dernière ! Et c’en est un nouveau que nous fêtons aujourd’hui, car ça fait sept ans aujourd’hui que la compilation remastérisée pour la PS4 de l’intégral de la tétralogie est sortie. Voilà une belle occasion de revenir sur la création du jeu aux côtés de ses créateurs.

Jak and Daxter préservés à travers le temps

Même si l’idée d’une suite s’est évanouie chez Naughty Dog, le studio continue de faire vivre sa licence culte de la PS2 sur les générations de consoles qui suivent. On vient notamment d’apprendre que le premier opus, The Precursor Legacy, aura droit à une version optimisée dans le PS Plus Premium. Cette initiative n’est cependant pas la première.

Pour faire durer le plaisir, l’intégral des jeux de la licence développés par les Dogs a eu droit à plusieurs remasters. Il y a 7 ans sortait la compilation sur PS4. Et même avant ça,  Mass Media a eu la tâche de porter la trilogie initiale sur PS3 en 2012. À cette occasion, PlayStation avait réalisé une vidéo spéciale, invitant les créateurs de Jak and Daxter à partager leurs souvenirs.

 

Pour la sortie de la Jak and Daxter Collection, Jason Rubin et Andy Gavin, les co-fondateurs de Naughty Dog, ont été conviés par 2 Player Productions pour une vidéo « Behind the Scenes ». C’est un moment particulier pour eux deux, qui avouent ne pas avoir rejoué à leur propre jeu depuis 2004. Ainsi, ils découvrent ensemble à quoi ressemble le premier opus dans une version sublimée pour la PS3. Tous deux s’émerveillent à leur façon : d’un côté, Gavin a les yeux qui brillent en voyant que c’est « pareil », alors que de l’autre, Rubin voit que le rendu est « meilleur ».

Le système de Jak and Daxter avant le monde et les personnages

Mais ce ne sont pas les seuls à intervenir sur les coulisses de création de la licence. Evan Wells, figure emblématique du studio pour en être devenu le co-président à la suite du départ des fondateurs après avoir bouclé Jak X: Combat Racing. Il se rappelle comment, à l’époque, ils ont pensé Jak and Daxter avec la volonté se concentrer sur l’immersion au sein d’un monde dont on fait vraiment partie, avec un cycle jour/nuit. Avant même de penser à leurs personnages, les équipes avaient envie de nous retenir dans leur nouveau monde, créé de l’esprit

Ce monde doit être homogène, nous ne voulons pas de temps de chargement. Il doit être immersif. Nous ne voulons pas qu’il y ait la moindre rupture dans l’action ou la moindre chance que vous [les joueurs, ndlr] vous disiez « oh ! c’est le moment de poser la manette, j’ai fini ce niveau ».

Evan Wells.

Décor de la jungle interdite dans Jak and Daxter The Precursor Legacy.
© Naughty Dog / Sony Computer Entertainment

Une nouvelle personnalité marquante de Naughty Dog prend ensuite la parole. Josh Scherr, responsable de l’animation des cinématiques sur la licence, se rappelle qu’il a été « époustouflé » quand il a découvert le jeu en pleine construction.

Non seulement plus beau que tout ce que j’avais pu voir sur PS2, mais l’animation des personnages principaux, Jak et Daxter…  John Kim [animateur senior pour le gameplay, ndlr] a tout fait tout seul. Ça m’a époustouflé !

Le documentaire donne justement la parole à John Kim. Celui-ci précise que pour l’animation de Daxter, le fidèle ami de Jak transformé en beloutre, il s’est inspiré d’Abu, le signe d’Aladdin dans le film d’animation Disney. Tout comme lui, le sidekick de Jak and Daxter reste accroché au héros et suit ses mouvements tout en ayant sa propre dynamique.

Un air de Nintendo sur PlayStation

Au-delà de l’animation, le plaisir du gameplay vient aussi de la finesse technique. Bob Rafei, directeur artistique sur Jak and Daxter avant de travailler sur les Uncharted, explique qu’en venant globalement de l’« ère de l’arcade », les Dogs voulaient retranscrire des sensations similaires sur PS2. Il fallait donc des contrôles vraiment « réactifs » pour que les mouvements et le timing soient au pont.

En ce sens, Mario, le plombier-phare de Nintendo, était une vraie référence. « Nous faisions enfin Mario 64 » rapporte Taylor Kuzosaki, game designer senior. Il se rappelle que quand le jeu est sorti à l’époque où Naughty Dog travaillait sur Crash Bandicoot, tout le monde était impressionné par la création du studio japonais. Mais quand il a vu Jak and Daxter, là il s’est dit : « ça y est, maintenant on arrive à faire ce genre de jeu ».

Rubin lui-même confirme cette filiation symbolique. Toutefois, J&D avait quelque chose en plus à ses yeux. Comme il l’explique, « c‘était Mario 64, mais avec une intention et une continuité ». Et Gavin d’ajouter qu’« il y avait une histoire, contrairement à Mario ». Evan Wells estime qu’avait cette nouvelle licence, c’était « une opportunité pour les possesseurs de PlayStation de jouer à un jeu qui serait traditionnellement associé à Nintendo ».

Mario décrochant une étoile dans Super Mario 64 et faisant le "V" de la victoire avec les doigts.
© Nintendo EAD / Nintendo

Un portage pour l’anniversaire de Jak and Daxter

PlayStation n’a pas oublié ce succès. C’est pourquoi le projet d’un portage remastérisé a été confié à Mass Media. C’était une belle façon de marquer le coup pour les dix ans de Jak and Daxter. Pour ce studio californien, ça a été un véritable défi. Paul Mithra, directeur créatif, parle même d’une « miracle » quand il pense au fait d’avoir réussi à faire passer la licence à la HD pour la PlayStation 3.

Naughty Dog vous racontera probablement qu’au début ils nous avaient dit que c’était un projet impossible.

Pour bien comprendre de quoi il retourne comme genre d’enjeux, écoutons Evan Wells. Il précise qu’il était question, avec cette remastérisation, de faire passer Jak and Daxter à la HD. Plus que ça, il s’agissait aussi d’en faire une « expérience PlayStation 3 » à part entière. C’est-à-dire que ce portage devait s’adapter aux nouveautés de la console, comme le système de trophées par exemple. C’était « un challenge vraiment intimidant » à ses yeux.

Aperçu du gameplay de Jak 3 montrant Jak chevauchant une monture.
Version HD de Jak 3 (2012). © Mass Media Inc et Naughty Dog / Sony Computer Entertainment

Robert Toone, ingénieur logiciel chez Mass Media, a bien constaté que les Dogs avaient su tirer le meilleur de la PS2, et ce en recourant à de nombreuses astuces, parfois inattendus ! Gavin reconnaît bien que qu’ils avaient mis en place un « design complexe », pas évident à exploiter ultérieurement par des tiers. Ken Jordan, responsable technique, se souvient qu’il y a eu long processus de debugging et de « mystères à résoudre ». Pour Toone, le travail de Naughty Dog était « brillant, mais difficile » à appréhender.

Jeremy Yates, animateur sur la licence Jak and Daxter, se rappelle vaguement de cette période. Lui-même se demande comment et « pourquoi » les éléments avaient codés ou mis en place d’une telle façon. L’essentiel était finalement que « ça ait fait sens à l’époque ». Les façons de travailler ont évolué depuis. Mais le studio avait vraiment trouvé sa recette. Ça n’a pas été simple à démêler pour Mass Media, mais ils y sont parvenus !

Naughty Dog avait une façon bien à lui d’aller chercher le moindre pouce de puissance que l’on pouvait tirer de ces systèmes.
Jason Rubin.

Reproduire Jak and Daxter sur PS3

Les équipes de Mass Media ont particulièrement prêté attention à rester fidèles aux jeux de départ. Toone compare cette posture à celle des personnes qui restaurent de vieux films. Le but n’est pas de réécrire le matériau d’origine, mais de l’adapter pour le « transposer à l’ère moderne ». L’envie de faire découvrir ces « classiques » de la PS2 imposait donc de ne pas trahir l’expérience Jak and Daxter.

David Todd conçoit ce projet comme celui de transmettre ces opus à une « nouvelle génération ». La nostalgie du public déjà familier compte, évidemment. Mais remastériser, c’est aussi penser à l’avenir. Or, ce type de jeux ne paraîtra peut-être dépassé à l’avenir. Pour autant, ils s’inscrivent dans une air de la plateforme avec des principes « simplistes, mais convaincant » pour le directeur de Mass Media.

L’enjeu de la préservation des productions vidéoludiques commencent ici à poindre. Jeremy Yates met le doigt sur un élément crucial : les jeux sont intrinsèquement liés à un hardware, or, « quand le hardware devient obsolète, les jeux meurent avec lui ». Il fait alors le vœu pieux qu’« on puisse toujours en revenir aux classiques du jeu vidéo ». On en revient à ce besoin de combler une certaine nostalgie. C’est là que les remasters interviennent.

Remastériser n’est pas synonyme de perfection

Même si une copie peut s’améliorer et se bonifier avec le temps, la réception à la sortie diffère forcément pour les personnes qui ont planché dessus par rapport au public. Ça, Josh Scherr l’explique très bien. Il partage ce sentiment d’être toujours insatisfait par rapport au travail effectué. En ayant travaillé à la conception des jeux, à leur sortie, ils voient les éléments qui ne vont pas à la sortie, souvent à cause d’un manque de temps. Ce sont peut-être des choses dont les joueuses et joueurs n’ont pas conscience, mais les créateurs les voient. Citant le célèbre adage, il conclut :

Comme ils disent, les projets ne sont jamais terminés, ils sont seulement abandonnés.
Josh Scherr.

Jason Rubin a alors ces paroles frappantes : « il y a de la souffrance dans l’industrie du jeu vidéo ». Celle-ci est exigeante. Elle demande un grand dévouement et peut se révéler particulièrement frustrante. À ses yeux, pour les membres de l’industrie, « faire volte-face et jouer pour le plaisir juste après ça est impossible ». Cette souffrance ressurgit toujours, car les créateurs voient tout ce qu’ils auraient pu faire de plus ou différemment. Yates s’aperçoit qu’« [ils] créent les jeux auxquels [ils] aimeraient jouer, mais ils se destinent finalement à d’autres ».

On ne voit pas [le jeu] comme un joueur le verrait, mais comme un créateur le ferait.
Jason Rubin.

Gros plan sur Jak et Daxter dans une cinématique de Jak II Hors-la-loi. Les deux compagnons se régardent du coin de l'œil en souriant.
© Naughty Dog / Sony Computer Entertainment

Christophe Balestra, co-président de Naughty Dog à l’époque du documentaire, partage son point de vue sur la production des jeux. Pour lui, cela demande « beaucoup d’investissement personnel ». Cela implique de « passer beaucoup de temps au bureau et de se dévouer à la tâche ». Et, dans le même temps, cet investissement lui semble « en valoir la peine » au regard du résultat, si on aboutit à de bons jeux.

Ces derniers mots résonnent étrangement aujourd’hui, après l’ère de crunch qui a rongé les équipes de Naughty Dog pendant des années, avant même l’affaire The Last of Us Part II. Un peu après dans le documentaire, Rubin lui-même rapporte avoir quitté Naughty Dog parce qu’il ne souhaitait plus passer de longues heures au bureau et avait besoin d’autre chose. Il est vrai que le studio est parvenu à donner vie, coup sur coup, à des licences qui ont marqué des générations. Pour autant, le management en son sein a atteint des limites dont il tente aujourd’hui de s’éloigner.

Un succès immédiat… qui appelle à un Jak 4

Si la saga Jak and Daxter n’avait pas fonctionné, Sony n’aurait sans doute pas validé un projet de remastérisation. Cependant, une vraie communauté y est attachée. Dès le premier opus, la licence a su conquérir son public et l’a fidélisé d’épisode en épisode. Encore aujourd’hui, il la célèbre de bien des façons en organisant des événements communautaires ou en donnant naissance à un fanzine par exemple.

Josh Scherr se rappelle que Jak and Daxter: The Precursor Legacy était le premier jeu dont il se souciait vraiment de l’accueil. À son grand soulagement, la critique a été enthousiaste et les ventes, elles aussi, ont suivi. On peut comprendre le sentiment des équipes face à une belle réception. Bob Rafei se montre honnête. Il rapporte que les membres de Naughty Dog n’avaient pas conscience de « réaliser un aussi bon jeu ». Pour eux, ils étaient surtout concentrés à « faire de [leur] mieux pour créer un jeu qui déchire ».

C’est bien pour ça que les fans réclament une suite. En 2012, Jason Rubin rapporte qu’il recevait un ou deux messages chaque jour de personnes qui demandaient un Jak 4. Bien que l’homme ait quitté le studio, il reste attaché à ses productions. Andy Gavin se dit « chanceux » d’avoir pu travailler avec des gens aussi talentueux. Au regard du succès de Naughty Dog, les deux hommes ont dû faire un choix personnel. Aujourd’hui, leur chemin se poursuit en dehors d’un studio dont ils ont planté les racines, et dont ils peuvent être fiers du devenir.

La licence Jak and Daxter fait-elle partie de vos souvenirs de joueuse ou joueur ? Si oui, à quel point vous a-t-elle marqué ? Dites-nous tout en commentaire. Et pour ne rien manquer de l’actualité de Naughty Dog, rendez-vous sur : YouTubeX (Twitter)Facebook, Instagram et Discord.