The Last of Us HBO | La décision finale de Joel, le choix d’un père ? L’équipe de la série discute parentalité et moralité
À l’occasion de la fête des pères, revenons sur l’un des choix les plus marquants des licences de Naughty Dog : celui de Joel, à la fin du premier The Last of Us. Peut-on considérer qu’il a agit en tant que père pour Ellie ?
Attention, cet article spoile des événements-clés de la 1ère saison de The Last of Us (HBO).
C’est un débat perpétuel. Il y a dix ans presque jour pour jour sortait le premier opus de la licence The Last of Us. Celui-ci nous conduit aux frontières de la moralité pour mieux nous questionner sur la condition humaine. Au terme d’une douzaine d’heures, nous étions confronté au choix fatidique de Joel Miller, qui s’est redécouvert père dans sa rencontre avec la jeune Ellie.
De fait, l’histoire de The Last of Us nous fait progresser dans la peau ce quinquagénaire taciturne qu’est Joel. Témoin de l’effondrement du monde moderne, il a surtout été marqué par la perte de sa fille, Sarah, ce jour-là. Depuis, il s’est renfermé, se contentant de survivre en tant que contrebandier plutôt que d’essayer de profiter du fait d’être en vie.
Un jour, une milice, les Lucioles, lui confie la tâche d’escorter Ellie, une jeune fille de quatorze qui cache un secret : alors que la pandémie de cordyceps qui menace toujours l’humanité depuis vingt ans, l’adolescente a découvert qu’elle été immunisée.
Les Lucioles élaborent alors le projet de fabriquer un vaccin contre le cordyceps. Seul bémol : cela coûtera la vie d’Ellie. Joel ne l’entend pas de cette oreille et prend la décision de l’enlever, laissant derrière lui un bain de sang au sein de la milice.
En début d’année, nous redécouvrions ce dilemme moral à l’écran, au travers de la série The Last of Us, adaptée par HBO. En ce jour de fête des pères, revenons sur ce que le casting et les showrunners pensent du choix de Joel.
Il n’y a plus de logique dans l’inconditionnel
Interviewés par The Hollywood Reporter, les showrunners de la série, Craig Mazin et Neil Druckmann, ont été invités à parler du choix final de Joel. Mais avant toute chose, Mazin a tenu souligner combien l’amour qui guide le protagoniste a ce moment-là le détache de toute raison :
Lorsque vous aimez quelque chose de manière inconditionnelle, la logique s’efface. Vous êtes prêt à faire des choses horribles pour protéger ceux que vous aimez.
Il explique en outre que l’univers de The Last of Us explore autant la beauté que l’horreur de l’amour. L’histoire de Bill et Frank, mais aussi celle de Sam et Henry, en sont des exemples parlants.
À ses yeux, Joel et Ellie, incarnés par Pedro Pascal et Bella Ramsey à l’écran, sont contraints de faire « des sacrifices de plus en plus grands » à mesure que leur attachement l’un à l’autre grandit.
Pour autant, le choix final n’est pas si facile. Mazin exprime sa perplexité, balançant entre l’accord et le désaccord avec Joel.
Bella Ramsey : « Je peux comprendre pourquoi Joel a fait ce qu’il a fait. »
Dans L’Officiel USA, c’est Bella Ramsey qui partage son indécision quant à l’acte de Joel. L’interprète d’Ellie se dit que son choix dépendrait sûrement « de la personne et de l’état de l’humanité ». Pour autant, iel fait preuve de compréhension à l’égard du personnage :
Moi, en tant que Bella, je ne suis pas en colère contre lui. Mais, Ellie est en colère parce qu’[être le remède] était son but. C’est ce qu’elle était. Elle avait l’impression de compter et, ironiquement, Joel lui a enlevé ce but car elle était très importante pour lui.
La journaliste renverse ensuite la situation. Elle lui demande si, à son avis, Ellie aurait sauvé Joel. Bella Ramsey n’hésite pas :
Je pense qu’elle aurait sauvé Joel, ce qui aurait été encore plus stupide parce que Joel est assez vieux.
Cette réponse met non seulemenet en lumière le facteur de l’âge, mais pas seulement. Elle révèle également la subjectivité inhérente au contexte du jeu. Selon l’identité de la personne, le choix final paraîtra plus ou moins juste.
Un dilemme moral et relatif
Plus tôt dans l’interview, Ramsey notait que le choix qui se présente à Joel s’apparente au “dilemme du tramway”. Il s’agit d’un exercice de pensée largement exploré en fiction. On le retrouve aussi bien dans des comédies comme The Good Place, que dans des jeux indé à l’instar de Life Is Strange.
Le dilemme du tramway vous place dans la situation où, pour résumer, vous avez le choix entre sacrifier une seule personne pour sauver un groupe ou sacrifier le groupe pour sauver une personne. Et les réponses varient généralement en fonction des identités accolées aussi bien à l’unique personne qu’au groupe.
Eh oui ! Si vous n’avez aucun élément, vous risquez de pencher vers un sacrifice minime pour sauver la masse. L’identification des personnes peut alors changer la donne. Vous imaginez-vous sacrifier un enfant au profit d’un groupe de repris de justice ?
Rappelons-nous alors du podcast officiel des jeux The Last of Us. Neil Druckmann, le co-créateur de la licence, s’y rappelle une conversation qu’il a eu lorsqu’il était enfant avec son père, à propos de criminels. Et son père de lui donner une leçon de vie : les gens lambda n’auront pas le même regard sur ces criminels que leurs parents.
Dès lors, que pouvions-nous attendre de Joel ? Comment pouvait-il renoncer à Ellie après ce que ce monde lui avait arraché vingt ans plus tôt ? Mais après tout, est-il véritablement en tort ?
The Last of Us nous questionne aussi ici sur la moralité à prendre la vie d’un enfant, qui plus est sans son accord. Si Joel avait été la place de l’adolescente, compte tenu de son âge, le dilemme aurait peut-être été moins viscéral… sauf pour Ellie, évidemment.
Les parents d’Ellie
Il y un postulat de base pour que la relation d’Ellie et Joel fonctionne pleinement : celui-ci est un père qui a perdu sa fille et celle-là est une orpheline ; leur rencontre ne va pas juste leur permettre de combler un vide laissé par les êtres aimés disparus, mais de se reconstruire tous les deux en formant une nouvelle famille.
Pour accentuer la force de ce lien aux yeux du public, Naughty Dog a mis en scène la mort de Sarah, mais n’a pas montré les parents d’Ellie. Toutefois, nous connaissons l’identité de sa mère. Elle se prénomme Anna et était une infirmière travaillant pour les Lucioles. Des enregistrements et dialogues dans le jeu et son DLC, Left Behind, nous apprennent en outre qu’elle était une amie proche de Marlene.
Soucieuse de s’offrir en complètement des jeux, la série propose un autre point de vue sur Anna. Ainsi, nous assistons à la naissance d’Ellie et découvrons comment Anna fini par périr.
En revanche, la série comme le jeu n’évoquent pas le père d’Ellie. Toujours dans The Hollywood Reporter, Mazin explique ce choix du côté de l’adaptation de HBO. Il s’agit simplement d’un manque de curiosité envers cette partie des origines de l’adolescente. Pour lui, cela sert mieux le propos, en tout cas dans la série :
C’est mieux si, dans mon esprit, la fille de Joel existe, puis qu’il rencontre Ellie et que tout le processus porte sur la difficulté de laisser entrer quelqu’un d’autre quand on a fermé cette porte et qu’on l’a clouée pour toujours. Mais pour Ellie, cette place n’a jamais été occupée, alors Joel y entre presque immédiatement.
En Joel, Ellie a reconnu pour la première fois de sa vie non seulement un parent, mais un père. Certes, ce dernier finit par lui mentir sur les événements de Salt Lake City. Pour autant, rien ne pourra complètement rompre ce lien qui unit les deux personnages.
Maintenant, il faudra attendre l’horizon 2025 pour découvrir la suite de leurs aventures dans la saison 2 de la série. Toutefois, vous pouvez d’ores-et-déjà découvrir leur devenir via le jeu The Last of Us Part II. Pour les non-joueurs, retrouvez notre let’s play complet sur la chaîne YouTube de Naughty Dog Mag’.