Édito | The Last of Us Part II Remastered, la réitération de trop ?

Dans la nuit du 17 au 18 novembre, Naughty Dog levait le voile The Last of Us Part II Remastered, qui sortira le 19 janvier prochain. Si le projet faisait peu de doute, cette annonce a pourtant fait grincer les dents de certains.

À l’ère de l’exploitation intensive des franchises dans la Pop culture, The Last of Us n’échappe pas à la grogne de commentateurs qui réclament  de nouvelles œuvres originales sur les réseaux sociaux.

Le remake du premier opus pour la PS5 avait posé question pour beaucoup, l’argument étant que le jeu n’était pas assez ancien pour être porté sur une nouvelle génération de console, a fortiori avec une version remasterisée sortie sur PS4 toujours parfaitement jouable. Désormais c’est The Last of Us Part II Remastered qui relance le débat, et pour des raisons tout à fait similaires.

The Last of Us Part II Remastered

En mai dernier, j’avais abordé l’intérêt des remake et remaster pour un studio comme pour le public. Je nous referai donc pas le laïus sur l’accessibilité, la plus grande clarté pour le consommateur, la montée en compétence des employés du studio et le besoin de faire rentrer de l’argent pour financer de nouveaux projets.

En revanche, un autre argument mérite que je m’attarde dessus. D’aucuns crient, en effet, à l’overdose de The Last of Us, d’autres au manque d’originalité du studio, tandis que d’autres, encore, réclament justement des suites.

Trop de The Last of Us ?

On ne va se mentir, depuis un an maintenant, Ellie et Joel ont fait leur grand retour, et ceux sur tous les supports: jeux, série TV, expositions et même publicités. Pourtant, cette fièvre post-apocalyptique qui a émergé pour les dix ans de la licence — moment des plus propices à cette effervescence — ne fait que succéder à une année placée sous le signe de l’aventure.

De fait, 2022 s’ouvrait avec la sortie de la compilation UNCHARTED: Legacy of Thieves Collection, sur PlayStation 5. Ladite Collection ne s’est d’ailleurs pas arrêtée là pour faire parler d’elle puisqu’elle ressortait en octobre sur PC. Entre temps, nous nous sommes rendus en salle pour découvrir l’adaptation de la licence sur grand écran.

>> Profitez de UNCHARTED: Legacy of Thieves Collection en promotion sur PS5 et PC

Artwork de Uncharted: Legacy of Thieves Collection, la compilation qui regroupe les versions remastered des jeux "Uncharted 4" et "Uncharted: The Lost Legacy".

Mais, il faut bien avouer que l’ère The Last of Us ne fait probablement que commencer pour Naughty Dog. The Last of Us Part II Remastered sortira en janvier prochain, peu avant le début du tournage de la saison 2 de la série adaptée par HBO. En parallèle, le studio continue vraisemblablement de plancher sur un spin-off multijoueur et, très certainement, sur le très attendu The Last of Us Part III.

Un manque de renouvellement ?

Depuis la PlayStation 3, Naughty Dog alterne entre deux licences : UNCHARTED et The Last of Us. À terme, un sentiment de redite peut évidemment se faire sentir. Cela dit, il ne faudrait pas oublier que la première licence s’est déclinée en 5 volets différents sur console de salon, tandis que la deuxième n’en a certes connu que deux, mais à sept ans d’écart.

Chaque studio a sa marque de fabrique, son savoir-faire et ses sujets de prédilection. Quand des studios comme Guerilla Games ou CD Projekt RED passent de Killzone à Horizon ou de The Witcher à Cyberpunk 2077, le risque n’est pas anodin. Le changement d’univers et surtout de type de jeu implique de s’essayer à quelque chose de moins maîtrisé. Or, un échec commercial faire tomber un studio entier.

À gauche, un personnage du jeu vidéo
Les figures de Killzone et Horizon, les deux licences historiques de Guerilla Games.

À l’inverse, Game Freak assure sa pérennité avec la licence Pokémon. Et qui aurait l’idée de reprocher à Santa Monica Studio de ne faire que du God of War depuis 2005 — et de n’avoir fait presque exclusivement que ça ? Le studio a su montrer qu’il savait se renouveler tout en continuant d’exploiter un même univers et son personnage principal.

Alors si Naughty Dog est arrivé peut-être au paroxysme de sa formule avec The Last of Us Part II, il serait hypocrite de leur demander de ‘faire autre chose’ tant ils le font bien. D’autant plus que le projet de multijoueur est la preuve d’une volonté d’explorer d’autres manières de faire du jeu vidéo. Et les bruits de couloir évoquent bel et bien une nouvelle licence… attendons donc qu’elle se précise.

À quand la suite ?

D’accord, l’attente de nouveaux opus de licences qui nous tiennent à cœur peut entraîner une certaine frustration quand un énième remake ou remaster est annoncé.

Malheureusement, vous savez tout comme moi que si une suite à UNCHARTED est certainement à venir, elle ne devrait pas être développée par Naughty Dog. Quant à un troisième The Last of Us, il n’arrivera très certainement pas avant quelques années.

En parallèle, les fans de la licence Jak and Daxter, qui avait fait les belles heures de la PlayStation 2, continuent de faire entendre leur voix. L’espoir d’un Jak 4 brûle toujours en eux — et en moi, je l’admets. Mais il faut bien se faire une raison, nous avons probablement plus de chances de connaître un retour de la licence sous d’autres formes que vidéoludique.

Les suites arrivent donc. Mais chaque chose en son temps. En raison des nombreux reports de jeux rencontrés par l’industrie ces dernières années, les studios préfèrent désormais ne pas se précipiter. C’est d’ailleurs pour cela que l’annonce de The Last of Us Part II Remastered n’intervient que deux mois avant sa sortie. De même, Naughty Dog y va à tâtons à propos de son standalone multijoueur.

Remastered, Remake, rééditions, une histoire sans fin

C’est vrai, le premier The Last of Us s’est exporté sur trois générations de consoles. Le second volet s’apprête à arriver sur sa seconde, de la même manière que les deux derniers UNCHARTED.

Ces derniers temps, les rééditions de ce type ont aussi tendance à faire réagir sur les réseaux sociaux. GTA V, sorti sur chaque nouvelle génération depuis l’époque PS3/Xbox 360, est certainement l’exemple le plus frappant des portages inépuisables. Mais The Witcher 3 a pu être tout autant pointé du doigt, de même que, désormais, The Last of Us.

Artwork du jeu vidéo Grand Theft Auto V (GTAV)

Mais dans une industrie dont les coûts ne cessent de croître, le fait de ressortir une énième fois un même titre ne me choque pas. La réalité économique exige de renflouer les caisses pour les projets à suivre. D’autant que ces jeux ne surexploitent leur potentiel commercial. De fait, les produits dérivés restent bien moins développés que dans le cinéma et la télévision, a fortiori au regard de leurs connivences avec l’industrie du jouet.

En parlant des autres industries culturelles, pensez à ces films et séries qui connaissent maintes rééditions en DVD/Blu-Ray. Il en va de même pour les albums de musique, sans compter les best-of. Et je ne vous parle même pas du théâtre : faudrait-il arrêter de jouer et revisiter Molière et Shakespeare sous prétexte qu’on les a assez vus ? Je ne suis pas de cet avis. Mais la sphère du gaming reste fidèle a sa réputation, se complaisant dans ses vindictes incessantes.

Naughty Dog, la force tranquille

Arrivée à l’âge de la maturité, le tissu vidéoludique se réitère dans une même matière. Maintenant qu’il a trouvé une formule triple AAA assez solide pour lui assurer une certaine pérennité, il se permet de faire perdure ses histoires et expériences, d’exposer son patrimoine, en somme. Ainsi, renaissent les premiers Tomb RaiderMario RPG se fait connaître sur Switch, et j’en passe.

Mais, pour autant, il ne se prive pas d’innover, par petites touches. Ces dernières années, on ne répétera jamais assez combien The Legend of Zelda: Breath of The Wild a décloisonné l’exploration vidéoludique, nourrissant certainement Elden Ring, qui lui aussi inspire les créations à venir.

Montage d'un artwork de
The Legend of Zelda: Breath of The Wild et Elden Ring. Source : CBR.

Mais ces renouveaux débutent au sein même des studios. Après les jeux de plateforme, Naughty Dog a pris un tournant bien différent avec UNCHARTED et The Last of Us. Maintenant que le modèle est maîtrisé, le studio apprend à travailler sur de nouveaux supports. Cela passe par la collaboration au portage de ses jeux sur PC ou, par exemple, The Last of Us Part II Remastered.

Certes, les Remastered ne sont pas ce qu’il y a de plus excitant. Toutefois, cette réitération de Part II proposera du contenu inédit, le tout pour un prix qui devrait être encore raisonnable. De fait, les possesseurs d’une version PS4 pourront acquérir la version PS5 pour seulement 10€ sur le PlayStation Store.

The Last of Us Part II Remastered devrait marqué un passage de relai. Du moins, je me dis que les remake et remaster qui devaient être faits chez Naughty Dog ont été faits. On peut donc s’attendre à ce que le studio à la patte rouge entre enfin dans une nouvelle ère, portée qui plus est par une équipe en pleine restructuration, en espérant que ces derniers temps mitigés s’ouvrent vers un horizon des plus splendides.

— Édito proposé par Aur.