The Last of Us HBO | « Toute idée sera considérée, même si elle est folle », Neil Druckmann revient sur la série

Neil Druckmann, le créateur de The Last of Us, a répondu aux questions du média américain Kinda Funny en mars dernier. Aux micros de Tim Gettys, Greg Miller, et Blessing Adeoye Jr., il est revenu sur la saison 1 de l’adaptation TV de son jeu par HBO.

Attention, cet article comprend des spoilers majeurs à propos de la saison 1 de The Last of Us (HBO) et de The Last of Us Part II.

La série The Last of Us de HBO n’a laissé personne indifférent. Pas même Neil Druckmann, co-créateur de la licence ayant travaillé sur l’adaptation télévisée.

Le 13 mars, au lendemain de la diffusion du dernier épisode de la saison 1, il a témoigné auprès de Kinda Funny. Il en a profité pour dresser le bilan de son expérience à la création de cette première saison. Il a également eu l’occasion de donner quelques indications quant à l’avenir de la licence…

La saison 1 de The Last of Us, une expérience « incroyable »

La fierté de ses pairs comme moteur pour Neil Druckmann

Pour Neil, le projet que représente la série The Last of Us était avant tout une expérience humaine. Il raconte par exemple son visionnage de l’épisode 9, qui a eu lieu chez Craig Mazin, l’autre co-créateur de la série. Ainsi, ils étaient réunis avec Ashley Johnson (Ellie dans les jeux, Anna dans la série), Troy Baker (Joel dans les jeux, James dans la série), Merle Dandridge (Marlene dans les jeux et la série), Halley Gross (scénariste de The Last of Us Part II) et Shannon Woodward (Dina dans The Last of Us Part II).

Durant le visionnage, ils ont ainsi pu rire et pleurer ensemble, face aux émotions que procure cet épisode. Neil explique que rien ne lui fait plus plaisir que de voir la fierté des personnes ayant dédié plusieurs années de leurs vies à la licence.

Comme la sortie d’un jeu chaque semaine

De manière générale, la sortie de chaque épisode de la série a été une expérience riche pour le coprésident des Dogs.

Quand vous sortez un jeu, il y a cette incroyable montée quand tout le monde y joue et en parle. Puis, vous retombez. Ensuite vous avez un genre de post-partum. Avec la série, j’ai dû vivre cette expérience semaine après semaine, comme si je sortais un jeu chaque semaine, en voyant quelles sont les réactions, ce que les gens disent, ce qu’ils en pensent, ce à quoi ils s’attendent. Oui, c’était une expérience incroyable.

Craig Mazin et Neil Druckmann au Deadline FYC House, le 28 mars 2023.
Craig Mazin et Neil Druckmann au Deadline FYC House, le 28 mars 2023.

Enfin, il précise avoir été anxieux quant à la réception de la série. Le fait d’être critiqué par des spécialistes du cinéma était inédit pour lui. Finalement, il réagit en rigolant « il s’avère que les joueurs sont les plus critiques, en comparaison ».

Pour Neil, les critiques négatives sont difficiles à ignorer. Selon lui, même s’il y a 100 000 avis positifs pour 10 négatifs, son attention va se concentrer sur ces derniers. C’est pour cela que l’accueil dont a bénéficié la série lui a vraiment fait plaisir. Discussions autour des épisodes, reprises musicales, fanarts : autant de preuves d’amour de la part de la communauté pour cette production.

Une nouvelle manière de travailler pour Neil Druckmann

Pour Neil Druckmann, cette expérience sur la série The Last of Us était totalement nouvelle. Même s’il a l’habitude d’écrire des histoires, jamais il ne l’avait fait pour la télévision. Ainsi, il a appréhendé ce projet de manière très ouverte.

Je m’y suis mis avec un esprit très ouvert, en considérant que n’importe quelle idée qui serait proposée serait pleinement prise en compte, peu importe à quel point c’est radical ou fou. Nous devions laisser chaque idée vivre ou mourir selon ses propres mérites.

Dès le départ, il a donc pleinement fait confiance à Craig Mazin, qui avait déjà créé la série Chernobyl pour HBO. Neil avait eu l’occasion de la visionner, et concède avoir été « époustouflé » par la qualité d’écriture.

Il explique que l’essentiel des changements apportés réside dans la suppression des scènes d’action. En effet, contrairement à un jeu, de telles séquences récurrentes auraient probablement étaient ennuyeuses pour le spectateur. De ce fait, l’objectif a été de se concentrer sur les relations entre les personnages. L’accent a donc été mis sur la dynamique entre Joel et Ellie, mais aussi Bill et Frank, et même Sam et Henry.

Plan sur Bill et Frank, cueillant des fraises dans leur jardin tandis que la lumière du soleil couchant perce à travers les branches des arbres derrière eux.
Bill et Frank, l’une des relations humaines au centre de la narration de The Last of Us.

Malgré tout, Neil a retrouvé des similitudes avec le développement vidéoludique. Il a particulièrement aimé œuvrer sur le début et la fin du projet. Le début, car à ce moment, tout est encore à construire ; l’ensemble des idées est à prendre en compte, et l’esprit créatif peut pleinement s’épanouir. La fin ensuite, car le projet arrive à son terme ; il n’est alors plus question que de peaufinage, le résultat est déjà perceptible.

En revanche, il n’aime guère travailler sur la phase intermédiaire du projet ! En effet, c’est au moment d’assembler les éléments conçus que les imperfections apparaissent. Il est alors nécessaire, de manière itérative, de reprendre le travail de création. De nombreuses remises en question peuvent alors survenir. « C’est le pire », dit-il.

Les adaptations de jeux

La série The Last of Us tenait à cœur à Neil, puisqu’il a régulièrement été déçu par les adaptations de jeux au cinéma. Il souhaitait prouver que ces créations n’étaient pas forcément des « histoires mal écrites avec beaucoup d’action insensée ». Selon lui, le but était de toucher le grand public avec une histoire de qualité. En ce sens, l’adaptation permettrait de capter une nouvelle audience.

Il est également revenu sur son sentiment vis-à-vis de Sonic, le film, qu’il a eu l’occasion de voir. À ses yeux, il s’agit d’une bonne adaptation. Même si l’histoire n’est pas directement celle des jeux, elle en reprend l’essence. Il trouve même que le combat de fin contre le Dr. Robotnik se rapproche véritablement d’un combat de boss, comme il y en a en jeu.

Sonic, le film : une adaptation de jeu vidéo au cinéma réussie pour Neil Druckmann.
Sonic, le film : une adaptation de jeu vidéo au cinéma réussie pour Neil Druckmann.

En somme, pour Neil, le secret d’une bonne adaptation résiderait dans le fait de capter l’essence d’un jeu. À l’inverse, l’écueil à éviter serait une retranscription exacte de l’histoire du jeu, sans prendre en compte la différence de médium.

Les anecdotes autour de la série

La maison de Joel à l’identique

L’épisode 1, nous place rapidement devant une scène inédite. Nous assistons ainsi au petit-déjeuner entre Joel, sa fille, Sarah, et son frère, Tommy. Servant de décor pour cette séquence, la maison de Joel, qui a été recréée avec beaucoup de soin. Lors du tournage, Neil a dû tenir une réunion en visioconférence avec les Dogs. Il a alors décidé de se mettre à l’écart et s’est enfermé dans la chambre de Sarah. Durant son appel, il a fait part de son enthousiasme face à la reproduction des décors.

Je montre [la chambre] aux gars et leur dis « Regardez le lit ! Regardez les draps ! Regardez les posters ! », je suis un peu comme un geek.

Chambre de Sarah, la fille de Joel, dans la série The Last of Us par HBO.
Chambre de Sarah, la fille de Joel, dans la série The Last of Us par HBO.
Chambre de Sarah, la fille de Joel, dans The Last of Us Part I.
Chambre de Sarah, la fille de Joel, dans The Last of Us Part I.

Une girafe en chair et en os

Est présente dans l’épisode 9, la mythique scène de la girafe. Même si le rendu nous apparaît parfait, tout n’a pas été des plus simples lors du tournage !

La chose étrange avec le live action, qui est très différente des jeux, c’est que pour les jeux, nous aurions pu simplement mettre un brouillon où nous voulons. Nous n’aurions alors pas eu à nous soucier du rendu des mouvement de girafes. [Pour la série], l’équipe a construit un écran bleu dans le zoo de Calgary. Les acteurs y sont allés et ont joué là-bas. Puis, il y a eu un remplacement après coup. Il y a des plans qui sont en animation par images de synthèse, mais notre équipe d’effets spéciaux est tellement incroyable […] qu’il est difficile de voir qu’il s’agit de VFX.

Joel regarde Ellie nourrir et caresser une girafe dans le dernier épisode de la saison 1 de The Last of Us (HBO).
La scène de la girafe, un moment iconique de The Last of Us.

Neil Druckmann n’avait pas pu être présent lors du tournage de cette scène. Craig Mazin lui avait alors envoyé une vidéo montrant Bella Ramsey, l’interprète d’e Ellie dans la série, en train de caresser la girafe. Face à la beauté de la scène, Neil n’avait pu retenir ses larmes !

La tentative de suicide de Joel

Dans l’épisode 9, Joel se confie à Ellie à propos de son problème d’audition à l’oreille droite. Il lui explique que c’est dû à une tentative de suicide ratée. La mort de Sarah l’avait poussé à tenter l’extrême. Il a survécu, mais la détonation du coup de feu a endommagé son ouïe de manière irrémédiable.

Neil indique qu’Ellie est la première personne à qui Joel raconte cela. Ni Tess, ni Tommy n’étaient donc vraisemblablement au courant. Cela renforce encore un peu plus la proximité entre les deux protagonistes.

Extrait du dernier épisode de la saison 1 de The Last of Us (HBO). Ellie et Joel, incarnés par Bella Ramsey et Pedro Pascal, marche en extérieur, dans ce qui ressemble à un campement abandonné, tout en se parlant.
© The Last of Us (HBO). Saison 1, Épisode 9 ‘Look for The Light’.

La naissance d’Ellie

La naissance d’Ellie est une scène inédite dans la licence The Last of Us. De fait, dans le jeu, nous ignorions dans quelles conditions Ellie a vu le jour. Ce fut l’occasion pour l’équipe de HBO d’introduire concrètement un personnage uniquement évoqué dans le premier opus de la licence. Il s’agit d’Anna, la mère d’Ellie, incarnée par nulle autre que Ashley Johnson.

Durant l’interview, Neil révèle que cette séquence avait déjà été considérée par le passé :

Il y avait une version bien plus complète de cette histoire, qui remontait davantage dans le temps et devait être adaptée en jeu vidéo. Pas par Naughty Dog, par un studio différent, que Greg Miller m’avait présenté. Nous leur avions parlé pendant un bon moment pour faire cela, puis ça s’est en quelque sorte effondré. Ça n’a pas tout à fait fonctionné.

Pour rappel, ce moment prend place dans une ferme abandonnée. Anna s’y réfugie pour tenter de fuir les infectés qui la poursuivent. Certains internautes ont remarqué une ressemblance avec celle où vivent Ellie et Dina dans The Last of Us Part II. Un détail a amplifié ce sentiment : le tracteur installé devant la bâtisse. Quand la question a été posée à Neil, il a nié d’un simple « euh, non ». Il ne s’agit donc que d’une coïncidence que le co-président des Dogs n’avait lui-même pas remarquée !

La ferme dans laquelle se réfugie Anna, dans l'épisode 9 de la série The Last of Us.
La ferme dans laquelle se réfugie Anna, dans l’épisode 9 de la série The Last of Us.
The Last of Us Part II - Ferme
La ferme dans laquelle vivent Ellie, Dina et JJ, dans The Last of Us Part II.

Enfin, Neil donne une dernière précision concernant ce passage. Lorsque Marlene arrive à la ferme, Anna tient Ellie dans ses bras. La jeune mère fredonne alors une chanson, et pas n’importe laquelle. Il s’agit de “The Sun Always Shines on T.V.”, de a-ha.

Ce choix n’est pas anodin ! De fait, le clip de ce morceau, sorti en 1985, s’offre comme une continuité à “Take On Me”, titre emblématique du groupe norvégien. Or, cette chanson est joué par Ellie dans The Last of Us Part II, devant ainsi un emblème du jeu. Consciente de son importance, l’équipe de HBO l’avait même utilisée dans un des trailers de la série, avant de finalement en retoucher la bande son (mais Naughty Dog Mag’ est là pour vous rappeler la version d’origine).

La fin de la série trop similaire au jeu ?

Durant l’interview, Neil Druckmann se voit demander pourquoi les premiers épisodes proposent davantage de scènes inédites que les derniers. Le co-créateur de la série l’explique très clairement :

Les moments se succèdent, alors on a l’impression d’être comme Joel, d’être dans ce rush, comme si on ne pouvait pas trop penser et contempler. Il y a juste des choses qui se passent, puis la fin prend au dépourvu. Si nous avions trop étendu [ces épisodes], cela aurait pu ruiner ce sentiment.

Il explique aussi que le début de l’épisode 9 présente malgré tout une séquence inédite, à savoir la naissance d’Ellie. L’objectif de cette séquence était notamment de présenter le lien entre Anna et Marlene, afin de renforcer l’impact des événements qui suivent.

En revanche, l’équipe n’a absolument rien changé à la scène finale, et ce volontairement. « Craig a tellement aimé la fin [du jeu] qu’il ne voulait pas la changer » confie-t-il. Certains pensent percevoir une différence dans le sens du « okay » d’Ellie, vis-à-vis de l’interprétation d’Ashley Johnson dans le jeu et celle de Bella Ramsey dans la série. Neil estime que c’est là simplement « la nature d’avoir différents acteurs, et de la façon dont ils interprètent [un personnage] ».

Gros plan sur le visage sérieux d'Ellie (Bella Ramsey) dans la série The Last of Us (HBO).
Bella Ramsey incarne ici Ellie dans la scène finale de The Last of Us (HBO).

Les différences entre le jeu et la série

L’influence de l’expérience

Il y a dix ans déjà, en 2013, la licence The Last of Us voyait le jour. Depuis, différentes itérations ont suivi, comme le DLC Left Behind et le second opus, The Last of Us Part II. Ainsi, est-ce que la connaissance de ces éléments de l’histoire a pu affecter la structure de la série, par rapport au jeu ? Pour Neil Druckmann, la réponse est oui.

Nous avons connaissance de Left Behind, nous avons connaissance de The Last of Us Part II, donc il y a des choses [qui ont été modifiées]. Marlene a pu parler de Riley très tôt [dans la série], parce que nous comprenons mieux qui est Riley dès lors que Left Behind est déjà sorti. Nous savons, pour une grande partie, où iront les saisons 2 et 3, donc nous avons pu commencer à mettre les choses en place plus tôt.

Gros plan sur le visage de Riley (Storm Reid) qui sourit. Elle est dans la chambre d'Ellie, il fait noir et la pièce n'est que faiblement éclairée de l'extérieur.
Riley, la petite amie d’Ellie dans la série The Last of Us, initialement révélée dans le DLC Left Behind.

Neil ajoute qu’il a été possible d’intégrer des éléments initialement prévus pour le jeu. Il fait par exemple référence à Jackson, montrée de manière plus approfondie dans la série. Il s’agit de la ville où habitent Tommy, le frère de Joel, et sa femme, Maria. Mais elle n’était qu’entraperçue dans le premier jeu de la licence, avant que nous puissions la visiter dans le second opus.

En réalité, beaucoup d’éléments de la ville avaient été conçus pour The Last of Us en 2013. Ils d’ailleurs visibles dans l’artbook du jeu. Néanmoins, ils ont finalement dû être retirés, faute de temps et de moyens, à l’époque. Ils ont donc plutôt servi pour Part II.

D’ailleurs, la série donne à voir une pouliche du nom de Paillette. Elle deviendra donc la jument qu’Ellie monte dans le jeu. Ce genre de clins d’œil annonce le contenu à venir dans la saison 2 déjà en préparation.

Plan serré sur Ellie, de dos, faisant un bisou sur le museau d'une pouliche du nom de Paillette. L'animal est installée dans son box. Ellie, elle, est dehors. Elle porte des vêtements chauds, dont un bonnet et des gants, car il fait très froid dehors. (The Last of Us HBO, saison 1, épisode 6)
© The Last of Us (HBO). Saison 1, Épisode 6 ‘Kin’.

Cela dit, tout détail ne doit pas être sujet à interprétation ! Dans l’épisode 9, lorsque Joel intervient pour empêcher l’opération d’Ellie, deux infirmières sont présentes. L’une d’elles est incarnée par Laura Bailey, l’actrice qui joue Abby dans The Last of Us Part II. Dès lors, une théorie supposant qu’il s’agissait d’une première apparition d’Abby a émergé sur le web. Neil Druckmann réfute complètement cette hypothèse, « je vais tuer cette rumeur : ce n’est pas Abby. […] C’était plus pour honorer l’excellent travail [que Laura Bailey] a fait dans le second jeu » dit-il.

Une scène iconique absente de la série

Dans le jeu original The Last of Us, Joel est blessé à l’Université de l’Est du Colorado. Après un combat acharné contre des ‘chasseurs’, il chute d’un étage et s’empale sur une barre en métal. Souffrant d’une grave blessure à l’abdomen, c’est Ellie qui prend le relais contre leurs ennemis.

Pour plus de crédibilité, la série opte pour une mise en scène moins spectaculaire. Ainsi, Joel est attaqué à l’extérieur du bâtimen et s’en sort tout de même avec une blessure similaire. Ellie et lui peuvent alors rapidement s’échapper, et ce sans que la jeune fille n’ait à tuer personne.

Pour Neil Druckmann, la mise en scène originale était « moins réaliste par rapport à la façon dont [ils] fais[aient] la série ». Ici, il renvoie, entre autre, au nombre de personnes que tue Ellie à ce moment, dans le jeu.

Joel blessé après une chute lors d'un combat, dans The Last of Us Part I.
Joel blessé après une chute, dans The Last of Us Part I.

La saison 2 de The Last of Us, selon Neil Druckmann

Comment sera conçue la saison 2 ?

The Last of Us Part II a eu un très grand succès. Malgré tout, beaucoup de critiques ont été faites par une partie des joueurs, qui n’étaient pas satisfaits de l’histoire. D’autres, sous couvert de mécontentement, avaient également sauté sur l’occasion pour exprimer des propos promptement discriminatoires. Le résultat a été un virulent review bombing* négatif à la sortie du jeu, ce qui n’a pas empêché les ventes records des premiers jours.

Aujourd’hui, une question se pose. La saison 2 va-t-elle changer son scénario, pour éviter de subir cette vague de haine ? D’après Neil Druckmann, il n’en est pas question.

Mon processus de pensée est toujours de faire quelque chose qui nous passionne, c’est la plus grande priorité pour nous. Que les gens aiment ou non, c’est hors de notre contrôle […]. Si j’essaie de concevoir quelque chose en disant « d’accord, voici une histoire que les gens aimeront », je suis voué à l’échec, parce qu’alors je ne prends plus de décisions en fonction de moi-même. J’essaie de deviner les goûts de quelqu’un d’autre et, d’après mon expérience, cela mène à l’échec.

La structure de la saison 2

The Last of Us Part II est scindée en deux phases bien distinctes. Retrouverons-nous ce schéma pour l’adaptation télévisée ? Neil Druckmann explique qu’avec Craig Mazin, ils sont tombés d’accord sur une même idée. Le second opus étant plus long que le premier, l’adaptation ne sera pas faite en une seule saison.

Dès lors, la suite de l’adaptation de HBO sera une expérience très particulière, radicalement différente du premier opus. Cette originalité reposera en partie sur sa structure. Ainsi, la suite des aventures de Joel et Ellie devrait se poursuivre sur une deuxième, puis une troisième saison.

Ellie, Joel et Abby dans The Last of Us Part II.

Pour autant, Neil n’est pas en mesure de dire si chacune des deux phases constituera une saison à part entière. Une appréhension plus linéaire serait envisageable. Pour le moment, le co-créateur ne peut nous donner qu’une seule réponse :

Je pourrais juste dire que le processus est très similaire à la première saison. Il s’agit d’abord de parler [avec Craig Mazin] de l’histoire telle qu’elle se présente, puis de commencer à discuter de ce que nous voulons garder exactement tel que et des choses qui, en termes de logistique, ne vont pas fonctionner et devront être modifiées.

Il précise toutefois que certains changements importants ont déjà été décidés. On peut tout à fait imaginer que ce soit quelque chose de la même portée que le destin de Bill. Par exemple, nous savons déjà que la situation de Tommy et Maria n’est pas la même que dans le jeu. Mais ce sont ces changements qui motivent Neil Druckmann pour la suite :

Certaines des choses qui sont différentes sont celles pour lesquelles je suis le plus excité.

Portrait de Maria (Rutina Wesley), assise dans une cuisine. (The Last of Us HBO, saison 1, épisode 6)
La saison 1 de The Last of Us (HBO) nous en apprend davantage sur Maria et commence à lui dessiner un futur différent des jeux.

Enfin, il conclut son propos quant à la prochaine saison :

Ce que nous avons prévu pour la deuxième saison m’enthousiasme beaucoup. Les gens qui voulaient plus d’infectés, eh bien préparez-vous.

De quoi attendre avec impatience de nouvelles informations concernant cette saison 2 de The Last of Us !

L’amour et ses conséquences selon Neil Druckmann

Tandis que The Last of Us Part I est souvent considéré comme étant centré sur l’amour, The Last of Us Part II est associé à la haine. Pour Neil Druckmann, ce propos, s’il n’est pas faux, mérite d’être nuancé.

Il considère en effet que le propos des deux jeux porte sur l’amour. Tandis que le premier aborde la face bénéfique de l’amour, avec la volonté de protéger, le second traite de sa « nature destructrice ». À ses yeux, l’amour reste au cœur des deux jeux, seulement la proportion entre le positif et le négatif s’inverse d’un opus à l’autre.

Plan serré sur Ellie et Dina, dansant ensemble au bal de Jackson. Dina entoure le cou d'Ellie avec ses bras. Elles se regardent amoureusement. (The Last of Us Part II)
Les sentiments d’Ellie sont mis à rude épreuve dans The Last of Us Part II.

Un impact toujours aussi fort ?

Ce qui rend The Last of Us Part II aussi marquant, c’est l’empreinte qu’il laisse en nous. Le jeu nous pousse à commettre des actes, contre notre gré, qui ne peuvent laisser indifférent. Nous incarnons deux personnages donc la violence est exacerbée par les événements qu’ils vivent. Dès lors, leur psychologie et leur brutalité nous affectent directement en tant que joueur ou joueuse.

Dès lors, comment sera-t-il possible de retranscrire ce sentiment à la télévision ? Le spectateur, passif devant son écran, pourra-t-il se sentir aussi investi que l’est le joueur, manette en main ?

Capture d'écran d'Ellie, prête à exécuter un Séraphite ennemi qui s'en est pris à elle. Lui est de dos. On devine qu'il est à genoux. Elle se tient face à lui, une machette dans la main. L'obscurité de la scène nous fait comprendre qu'elle se déroule en fin de journée ou de nuit. (The Last of Us Part II)
Pourrons-nous ressentir tout l’impact de la haine d’Ellie dans la saison 2 de The Last of Us (HBO) ?

Pour Neil, il s’agit d’un défi, mais qui est tout à fait relevable. Il dresse un parallèle avec la séquence durant laquelle le joueur incarne Ellie, en hiver, dans le premier The Last of Us. En jeu, les sensations d’empathie avec la jeune fille, plus vulnérable que Joel, sont bien présentes. De même, pour l’épisode 8 de la série, qui reprend cette séquence de jeu, l’équipe de HBO est parvenue à retranscrire ce sentiment malgré la passivité du spectateur.

C’est la raison pour laquelle l’épisode 7 se concentre sur le DLC Left Behind juste avant ce passage en hiver. L’occasion est donnée au public de suivre Ellie une première fois sans Joel, avant de plonger avec elle dans l’épisode suivant. C’est en ce sens que Neil envisage d’appliquer la même logique de travail à l’adaptation de The Last of Us Part II.

Le futur de Future Days

Dès le premier opus, Naughty Dog a fait de la musique un élément esthétique et narratif essentiel à la licence The Last of Us. Mais Part II a été l’occasion de pousser le curseur encore plus loin, grâce aux morceaux joués et chantés par les personnages. Ainsi, Ellie a “Take On Me”, tandis que Joel se dévoile en introduction dans une prestation des plus touchantes sur “Future Days”, du groupe Pearl Jam.

Tout au long de l’histoire, la mélodie du morceau revient régulièrement. Il fait office de lien entre Joel et Ellie, le père et la fille.

Toutefois un problème se pose pour la série : la chanson est, dans notre réalité, sortie en 2013. Même si elle n’était techniquement pas sortie dans les bacs au moment où la pandémie de cordyceps éclate dans le jeu, elle était déjà jouée par le groupe en live. Joel pouvait donc la connaître.

Mais, dans la série, la temporalité n’est plus la même. Les événements se déroulent dix ans plus tôt, si bien que la pandémie éclate non plus en 2013, mais en 2003. La chanson, traitant d’un accident ayant eu lieu en 2012, n’a donc pas pu être écrite et encore moins entendue de Joel. Alors, que va-t-elle devenir pour la saison 2 ? Neil Druckmann répond :

Nous pourrions dire « d’accord, c’est une dimension parallèle, la chanson est sortie plus tôt ». C’est possible, mais c’est un peu de la triche. Je dirais que Pearl Jam, spécifiquement, a maintenant encore plus été ancré dans l’histoire du monde de The Last of Us… mais si nous ne la gardons pas, il y aura d’autres chansons que nous pourrons jouer.

Bien que la chanson soit iconique pour les fans, il y a donc de fortes chances que nous n’entendions pas “Future Days” dans les futures saisons de la série.

Quel avenir Neil Druckmann envisage-t-il pour The Last of Us ?

Reverrons-nous la licence en jeu vidéo ?

Avec la création de la série The Last of Us, Neil Druckmann a eu l’occasion de s’essayer à un nouveau média. Ainsi, en tant que spécialiste de la narration, les intervenants de la chaîne Kinda Funny trouvent envisageable de le voir quitter l’industrie vidéoludique pour se consacrer uniquement à Hollywood. « Je ne pense pas, j’aime trop les jeux vidéo » réagit alors le créateur israélo-américain.

Il va même plus loin, en disant vouloir utiliser son expérience sur la série pour améliorer la qualité des jeux Naughty Dog à venir. Par exemple, il pense que lui et ses équipes pourraient faire part d’une meilleure organisation. Cela leur permettrait notamment d’intégrer davantage de contenu aux jeux. « Je ne vais pas aller complètement à Hollywood » conclut-il.

The Last of Us, Uncharted, Jak and Daxter : les licences qui ont fait le succès de Naughty Dog.
The Last of Us, Uncharted, Jak and Daxter : les licences qui ont fait le succès de Naughty Dog.

Dans tous les cas, le co-président de Naughty Dog devrait probablement limiter le nombre de projets sur lesquels il travaille personnellement à l’avenir.

Il y a certainement des moments où je me sens en burn out. Mais, j’ai la chance de travailler avec beaucoup de gens en qui je peux avoir confiance […] à Naughty Dog. […] Même pour la série, Craig était le principal showrunner, j’étais co-showrunner avec lui. Il s’agit d’essayer de trouver le bon équilibre, mais je vais devoir enlever quelques trucs très bientôt.

Selon Neil Druckmann, la série pourrait-elle dépasser les jeux ?

Le tournage d’une série est moins long que le développement d’un jeu. Ainsi, beaucoup se sont demandés si la série The Last of Us ne pourrait pas prendre le pas sur les jeux. Toutefois, Neil Druckmann ne l’envisage pas pour le moment.

Ce que Craig et moi voulons faire, et l’accord que nous avons, c’est de n’aller que jusqu’au deuxième jeu. Je voulais délibérément que les choses soient ainsi, car je ne voulais pas finir dans une situation à la Game of Thrones où, comme maintenant, vous êtes obligé de faire quelque chose avec lequel vous ne vous sentez peut-être pas à l’aise.

Neil fait ici référence à un cas récurrent dans l’industrie des animes adaptés de manga, mais qui peut aussi advenir en série ou au cinéma. Quand une adaptation rattrape le matériau d’origine, il y a généralement deux options : faire durer une saison avec des épisodes dits “filer”, dans lesquels développer des intrigues non-canons en attendant que l’œuvre originale puisse avance, ou laisser l’adaptation dépasser l’œuvre originale pour proposer son propre développement.

Image promotionnelle de la saison 8 de Game of Thrones. Jon Snow, Sansa Stark et Arya Stark se tiennent debout, dans une posture assurés et en tenue noire.
Alors que les livres sont loin de leur dénouement, la fin de la série Game of Thrones a déçu la critique et les fans.

Or, l’expérience tend à montrer que les adaptations qui optent pour une voie qui poursuit l’histoire originale peinent à se conclure de façon satisfaisante. Ça a été le cas pour de nombreux anime, mais le grand public a surtout connu ce phénomène avec les deux dernières saisons de Game of Thrones. C’est pourquoi Neil Druckmann veut éviter de se retrouver dans cette situation. Toutefois, il tient aussi à tempérer :

Nous parlons en années là. Qui sait où sera mon esprit, ou mon esprit de Dog, ou l’esprit de Craig ? Je ne peux donc pas répondre définitivement à cette question. Mais, pour le moment, il n’est pas prévu de faire autre chose que d’adapter les jeux.

Malgré tout, Neil concède que cela pourrait être une expérience intéressante. Pour lui, chaque nouvelle manière de travailler est enrichissante. Il estime que « ça a l’air passionnant » après avoir vu la manière dont travaillait Craig Mazin.

Les prochains projets de Naughty Dog

S’il ne peut donner de précisions quant aux prochains projets des Dogs, Neil a tout de même évoqué le futur du studio. Ainsi, il a commencé par souligner la liberté dont bénéficiait ses équipes. De fait, Naughty Dog a une latitude complète quant au choix de ses prochains projets, fort de ses succès passés.

Dernièrement, l’attention du studio s’est portée sur un éventuel The Last of Us Part III, ainsi qu’une potentielle nouvelle licence.

Je sais que les fans veulent vraiment The Last of Us Part III. J’en entends parler tout le temps. Tout ce que je pourrais dire, c’est que nous sommes déjà sur notre prochain projet, donc la décision a déjà été prise. Je ne peux pas dire ce que c’est. Mais, durant le processus que nous avons traversé, il y a eu des considération pour différentes choses,. Nous avons choisi celle qui nous passionnait le plus.

The Last of Us Part III
The Last of Us Part III pourrait-il être le prochain jeu des Dogs ?

Pour Neil, la passion est essentielle. Il explique que pour des projets conséquents comme ceux des Dogs, il est important préserver sa motivation tout au long du développement, ce dernier s’étalant sur des années entières. Autrement, le jeu finirait par devenir médiocre. Il fait donc de ce sentiment un critère central dans le choix du projet à concrétiser.

Concernant le projet multijoueur standalone dans l’univers de The Last of Us, Neil Druckmann indique que Naughty Dog donnera de nouvelles informations plus tard dans l’année. Toutefois, nous savons aujourd’hui que le développement a été prolongé en raison des récentes évaluations de la part de Bungie commandées par PlayStaton. Il faudra peut-être patienter plus longtemps que prévu…

En tout cas, Neil Druckmann a confié qu’il s’agissait du premier jeu The Last of Us sur lequel il n’était pas directeur. Ici, il occupe davantage la place d’un producteur, d’un mentor. En cela, il trouve le projet très intéressant, car il est très différent de ce que lui aurait fait.

Concept art du standalone multijoueur The Last of Us. Dans une ville que nous devinons être San Francisco grâce au pont au loin, deux jeunes hommes se battent avec des armes à feu du haut d'un balcon tandis que la ville est en feu.
Le projet standalone multijoueur dans l’univers de The Last of Us.

Et vous, quelles sont vos attentes concernant la licence The Last of Us ? Faites-nous part de vos envies en commentaire ! Vous pouvez également suivre Naughty Dog Mag’ sur les réseaux : Twitter, Facebook, Instagram, Discord.


*Le review bombing est une pratique qui consiste à “bombarder” de notes un site permettant d’évaluer une œuvre, un service, etc. Cette pratique vise à gonfler ou diminuer artificiellement la moyenne globale, en s’organisant à plusieurs pour envoyer un maximum de notes négatives ou positives selon la dynamique choisie par le groupe à l’origine du déchaînement.